The Jimi Hendrix Reference Library
Variations On A Theme: Red House (1989)
1. Berkeley : 30 mai 1970 (1er concert)
2. Randall’s Island : 17 juillet 1970
3. TTG Studios (Los Angeles) : 29 octobre 1968
4. Los Angeles Forum : 26 avril 1969
5. Royal Albert Hall (Londres) : 24 février 1969
6. Winterland (San Francisco) : 10 octobre 68 (1er concert)
7. John Lee Hooker : 20 mars 1989
Même si les disques de rock publiés dans les années 80 ne le laissent que rarement entendre, la guitare était alors extrêmement populaire. Non seulement les revues pour apprentis-guitaristes se multipliaient (avec Joe Satriani ou Steve Vai en couverture une fois sur trois ...), mais les recueils de tablatures des guitaristes légendaires se vendaient eux aussi comme des petits pains.
Les recueils consacrés aux trois albums de l'Experience se vendirent assez pour que l'idée de produire des albums de Jimi Hendrix destinés aux seuls apprentis-guitaristes fasse son chemin : 5 albums inédits furent ainsi publiés conjointement par Are You Experienced? Ltd. (Alan Douglas) et Hal Leonard Publishing Corporation.
Cette collection, publiée sous le nom de "The Jimi Hendrix Reference Library" comportait les cinq volumes suivants :
- Fuzz, Feedback and Wah Wah ;
- Whammy Bar and Finger Grease ;
- Variations On A Theme: Red House ;
- Octavia and Univibes ;
- Rhythms.
Seul "
Variations On A Theme: Red House" retiendra ici notre attention : les quatre autres volumes sont généralement constitués de courts extraits illustrant les techniques guitaristiques de Jimi.
"Variations On A Theme: Red House" peut être considéré comme un véritable album, dans la mesure où c'est Hendrix l'improvisateur qui est ici mis en avant, et les morceaux illustrant le talent de Jimi sont en principe entiers.
Sur les 6 versions présentées alors, seule la deuxième n'était pas inédite. Le dernier titre est un clin d'œil sympathique : c'est une version de John Lee Hooker, accompagné de Booker T. Jones à l'orgue, Randy California à la guitare rythmique, Phil Chen à la basse, et Bruce Gary (le collaborateur de Douglas) à la batterie.
L'album s'ouvre sur la version jouée par le trio Hendrix/Cox/Mitchell lors du premier concert donné à Berkeley le 30 mai 1970 (chroniqué dans le détail ici :
Berkeley [Premier concert]).
Ce n'est pas la plus inspirée du recueil : le tempo est assez rapide, le chant médiocre, l'improvisation resserrée (des versions de Jimi, c'est la plus courte) , et le solo central moyennement inspiré. Une mise en bouche...
La version suivante est présentée à tort comme étant extraite du concert de l'Experience donné à Newport le 20 juin 1969, mais c'est bien la version historique du 17 juillet 1970 (Chronique du concert :
Randall’s Island (New York Pop) ), que l'on retrouve sur
The Jimi Hendrix Concerts (1982): le titre y est chroniqué dans le détail.
Si la version est déjà connue, le mixage est radicalement différent : le son est plus proche d'une excellente prise audience que du mixage cosmique d'Alan Douglas. Un mixage plus puriste donc.
Les informations concernant la plage 3 ne sont pas plus exactes : le titre date en fait des sessions de l'Experience aux TTG Studios, et c'est une chimère d'Alan Douglas. En effet, l'introduction est une jam de l'Experience avec Lee Michaels à l'orgue et Buddy Miles à la batterie complètement distincte de la prise de "Red House" : la jam continue d'ailleurs sur plusieurs minutes.
"Electric Church" est encore plus sévèrement éditée sur "Blues" que sur "Variations On A Theme" : la minute 46 présente ici est délestée d'une bonne minute sur "Blues" !
L'intérêt de cette prise de "Red House" est double : outre le fait qu'elle soit enregistrée en studio (en l'absence de public), elle est enrichie de l'orgue de Lee Michaels, qui lui donne une saveur particulière. Les témoins présents ce jour-là s'accordent sur le fait que la session n'allait nulle part : on sent beaucoup de frustration dans cette version, où les deux derniers chorus de Jimi sont salvateurs : il atteint enfin cette transcendance qui semblait le fuir lors de ces sessions du TTG... Il ne prend toutefois pas la peine de conclure avec le dernier couplet.
La version suivante était alors le premier extrait publié officiellement d'un concert mitigé de l'Experience : celui donné le 26 avril 1969 au LA Forum. C'est pourtant une version remarquable, dont la construction est calquée sur celle des versions du Royal Albert Hall et du Winterland, étrangement mis plus tard sur le CD : on remonte le temps au lieu de suivre son cours...
Jimi avait ici trouvé un équilibre dans ses arrangements : après une longue introduction jouée sur un tempo très lent, il chantait les deux premiers couplets, suivi d'un solo central très long, toujours très intense dans un premier temps (surtout quand Mitch met le turbo), puis faisant retomber la pression avec un passage jazzy où il joue des accords percussifs avant de jouer a capella.
Cette prise est superbe : il serait de bon ton de la rééditer officiellement prochainement...
Se moquant des soucis juridiques liés à la performance du Royal Albert Hall, Douglas publiait ici la fabuleuse version de "Red House" jouée ce soir-là, où l'Experience était inspirée comme jamais. Le schéma de l'improvisation est rigoureusement le même que sur la plage précédente.
Le chant de Jimi est superbe, agrémenté d'accords jazzy et de réponses guitaristiques inspirées.
Le solo central part sur des bases plus blues qu'au LA Forum (mais pas moins inspirées), y compris lorsque le tempo s'emballe.
Le passage jazzy est très proche. Le cycle a capella est par contre plus libre, plus jazz dans l'esprit.
Mais au lieu de reprendre le chant, Jimi repart sur deux cycles très intenses, le second s'éloignant du blues alors que Mitch multiplie le tempo.
Superbe prise là encore...
La dernière version, la plus longue, est celle donnée au Winterland, dont le concert est chroniqué dans le détail à la rubrique Live :
San Francisco (Winterland) : 10 octobre 1968 [Premier concert]Le tempo, très lent, permet à Jimi de laisser son jeu respirer, d'autant qu'il joue l'introduction avec un son à peine crunchy, et peut ainsi jouer avec les silences (ce qui est quasiment impossible lorsqu'il joue avec tous les potentiomètres lorgnant sur le 10...).
Les deux premiers couplets sont un véritable régal : Hendrix revisite et se réapproprie le titre de manière magistrale. Chant posé, embellissements jazzy dans le jeu d'accords et ponctuations guitaristiques solistes inspirées : tout y passe.
Le premier cycle de 12 mesures du solo reste assez blues. Jimi connaît quelques problèmes de justesse, mais le blues s'accommode facilement de ce type de souci.
L'apaisement du troisième cycle contraste avec les tourments du précédent (violent, avec le feed back en embuscade) : la tension retombe complètement. Et c'est accompagné que de seules quelques ponctuations qu'il joue a capella le 4ème cycle. Le 5ème est joué dans le même esprit. Le 6ème cycle repart sur les bases du deuxième : la tension sature l'espace musical.
Jimi reprend ensuite le chant, et change un peu les paroles, renforçant la pointe d'humour du dernier couplet :
"
Si mon bébé ne m'aime plus...
Je sais très bien que sa petite sœur grassouillette le fera... Heu, laissez-moi le dire correctement !...
Sa sœur le fera !"
Au final ? Album méconnu, "Variations On A Theme: Red House" n'en demeure pas moins une des grandes réussites de l'ère Douglas. Le pari pouvait sembler impossible, mais les talents d'improvisateur de Jimi sont tels qu'entendre ces 6 prises de "Red House" est un véritable régal.
Le verso :
Les crédits du deuxième titre sont, je le rappelle, inexacts (c'est en fait la version du 17 juillet 1970).