San Francisco (Winterland) : 11 octobre 1968 [Premier concert]Titres :
1. Are You Experienced*
2. Voodoo Child (Slight Return)
3. Red House
4. Foxy Lady
5. This Is America (Star Spangled Banner)
6. Purple Haze
* Virgil Gonsalves (du Buddy Miles Express) est à la flûte.
Sources audio :
- "The Winterland Reels" (ATM 210/2003/CDR) : les 3 premiers titres sont soundboard (d'une excellente qualité audio), et les 3 suivants proviennent d'une source "Audience" ;
- "Winterland + 3" ("Are You Experienced", "Voodoo Child (Slight Return)") ;
- "Live At Winterland" ("Red House").
Pour ceux qui ne possèdent pas ces enregistrements, les deux concerts du 11 octobre 1968 sont en ligne :
http://concerts.wolfgangsvault.com/Concerts.aspxAvant d'aborder la matière musicale du troisième concert donné au Winterland, il est intéressant de voir comment Noel Redding et Mitch Mitchell ont vécu, de l'intérieur, cette série de concert.
"Nous avions dépassé le point où nous étions encore capables de monter sur scène et de laisser nos problèmes de coté au moment où nous jouions... Je me tenais là, avec une profonde rancœur qui restait. J'en avais définitivement marre du style de Jimi, et son coté lunatique."
(Extrait de l'autobiographie de Noel Redding)
"Nous essayons toujours de faire quelque chose de spécial au Winterland ou au Fillmore. Lors de ces concerts, nous avons sans doute plus jammé, et beaucoup d'invités comme Jack Casady et Virgil Gonsalves et Herbie Rick, du groupe de Buddy Miles."
(Extrait de l'autobiographie de Mitch Mitchell)
Le contraste entre les deux témoignages est frappant : Noel Redding est aussi aigri que Mitch Mitchell est enthousiaste. Il faut noter que l'orientation musicale prise par le groupe était certainement plus de nature à satisfaire les aspirations jazz de Mitchell que la tentation pop de Noel Redding.
Le regard de John McDermott mérite lui aussi qu'on s'y attarde, car c'est aussi de lui que dépendent les rééditions à venir. Dans son premier livre consacré à Hendrix, sorti en 1992 (Hendrix: Setting The Record Straight), il est plutôt sévère sur les prestations du groupe. Il estime que même le mixage de Douglas n'arrive pas à cacher les problèmes de justesse de Jimi et que le manque de cohésion et de répétitions du groupe est tout à fait perceptible, y compris par les non-spécialistes.
Ceci explique peut-être pourquoi aucun Live officiel n'est actuellement sur le marché...
Le premier concert donné le 11 octobre 1968 affiche une setlist quasi identique à celui donné la veille, "Like A Rolling Stone" en moins.
C'est donc avec "Are You Experienced" que le groupe ouvre le bal. A ce stade, il convient de bien distinguer à quelle source nous faisons référence. En effet, la version présentée par Alan Douglas sur le "Winterland + 3", outre un mixage destiné à masquer les problèmes de justesse, est largement éditée : on entend nettement le cut un peu avant la 6ème minute. Il a ainsi purement et simplement supprimé le solo de flûte de Virgil Gonsalves, mais aussi ses interventions en contrepoint de la guitare de Jimi... dont les interactions se trouvent transformées en solo.
La version présentée par l'ATM 210 est de facto plus fidèle au concert : est-elle pour autant meilleure ?
C'est loin d'être évident dans la mesure où Virgil Gonsalves n'a pas le talent de Roland Kirk. En outre, l'ensemble manque de force sur la distance (environ 16 minutes...).
A noter : un passage de la longue improvisation centrale flirte avec les ambiances de "1983" (édité sur la version de Douglas).
Hendrix rencontre quelques problèmes de justesse sur la version qui suit de "Voodoo Child (Slight Return)". Un peu lourd, l'ensemble ne décolle pas véritablement. Le manque de mise en place fait parfois penser à une chute de studio en cours d'élaboration... Encore un titre qui aurait pu rester dans les cartons.
Hendrix présente ensuite un titre enregistré en 1835, largement ignoré du public américain car absent (au grand regret de Jimi) de la version US de leur premier album : "Red House".
Le premier cycle de 12 mesures du solo est étonnant : Hendrix attaque avec un son très tranchant (même s'il fait un sacré pain à un moment) alors que Noel Redding joue une ligne de basse pour le moins étrange, qui passe mieux quand Mitch Mitchell met le turbo au début du second cycle.
A ce stade, l'hostilité entre Redding et Hendrix est presque palpable musicalement.
Le troisième cycle est marqué par le passage en accords percussifs en contretemps, presque jazzy... mais, contrairement à la veille, Jimi reprend le chant tout de suite après.
Il change la fin du dernier couplet de façon plus radicale encore que la veille :
"Si mon bébé ne m'aime plus...
Seigneur je sais très bien que sa sœur grassouillette au gros cul le fera... Heu, laissez-moi le dire correctement !...
Sa sœur le fera !"
Publiée officiellement sur le "Live At Winterland", cette version est loin d'être une des meilleures. Celle jouée la veille était nettement plus convaincante.
Malheureusement pour nos oreilles, l'enregistrement soundboard touche ici à sa fin, et c'est via une source "Audience" que l'écoute se poursuit.
Les débuts de "Foxy Lady" sont assez laborieux : la guitare de Jimi est salement désaccordée, et il met un certain temps à attaquer le chant. Il tente même de se réaccorder avant le second refrain...
Le solo part sur les bases de la version studio, mais manque de direction, sans doute en raison des soucis techniques rencontrés.
"Je suis légèrement désaccordé" Jimi concède-t-il alors que le feedback monte pour conclure la dernière partie.
Le groupe se lance alors dans "This Is America (Star Spangled Banner)", dans une version aussi apocalyptique que celle de la veille : ce n'est pas à Woodstock que Jimi a commencé à lancer des bombes avec sa guitare !
Le thème de "Bonanza" précède l'hymne américain, véritablement défiguré.
Comme la veille, le groupe conclut par "Purple Haze", dans une version qui part plutôt bien, mais ne décolle pas vraiment là non plus (avec en prime quelques soucis de justesse).
Jimi se trompe dans les paroles du dernier couplet : il chante les trois premiers du deuxième !
Au final ? Un concert médiocre de l'Experience, dont la postérité se passera volontiers.