The Jimi Hendrix Experience Box Set (2000)
1. Purple Haze
2. Killing Floor
3. Hey Joe
4. Foxey Lady
5. Highway Chile
6. Hey Joe
7. Title #3
8. Third Stone from The Sun
9.
Taking Care Of No Business 10. Here He Comes [Lover Man]
11. Burning Of The Midnight Lamp
12. If 6 Was 9
13. Rock Me Baby
14.
Like A Rolling Stone 1. Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band
2. Burning Of The Midnight Lamp
3. Little Wing
4. Little Miss Lover
5. The Wind Cries Mary
6. Catfish Blues
7. Bold As Love
8. Sweet Angel
9. Fire
10.
Somewhere 11. (Have You Ever Been To) Electric Ladyland
12. Gypsy Eyes
13. Room Full Of Mirrors
14. Gloria
15.
It's Too Bad 16. Star Spangled Banner
1. Stone Free
2. Spanish Castle Magic
3. Hear My Train A Comin'
4. Room Full Of Mirrors
5. I Don't Live Today
6. Little Wing
7. Red House
8. Purple Haze
9. Voodoo Child (Slight Return)
10. Izabella
1. Message To Love
2. Earth Blues
3. Astro Man
4. Country Blues
5. Freedom
6.
Johnny B. Goode 7. Lover Man
8. Blue Suede Shoes
9. Cherokee Mist
10.
Come Down Hard On Me 11. Hey Baby/In From The Storm
12. Ezy Ryder
13. Night Bird Flying
14. All Along The Watchtower
15. In From The Storm
16. Slow Blues
Chroniquer le coffret "The Jimi Hendrix Experience" publié en 2000 n’est pas chose facile : une analyse strictement musicale ne rend pas compte du contexte discographique, pourtant indispensable à l’appréhension d’un tel objet. Aussi, quelques petits rappels ne seront pas inutiles si l’on veut comprendre les attentes suscitées par ce coffret.
L’héritage discographique officiel de Jimi Hendrix a connu trois périodes :
- La période Michael Jeffery, de 1970 à 1973 ;
- La période Alan Douglas, de 1974 à 1995 ;
- La période Experience Hendrix depuis lors.
Si les deux premières décennies présentent une certaine continuité (la première vague de rééditions CD reprend, à quelques exceptions près, l’existant), les années 1990 marquent une volonté de remise en ordre du patrimoine. L’épurement discographique tant attendu commence pourtant de façon controversée avec un "Voodoo Soup" qui ne convainc personne.
La reprise en main du catalogue par la famille se traduit en 1997 par la réédition des quatre albums sortis du vivant de Hendrix (avec leur pochette originale cette fois-ci !), ainsi que d’un "First Rays Of The New Rising Sun" qui supplante d’emblée "Voodoo Soup".
Mais la publication de "South Saturn Delta" quelques mois plus tard se traduit par une première douche froide. L’anecdotique y croise le sublime dans un recueil mélangeant toutes les périodes de façon hasardeuse.
Le coffret "The Jimi Hendrix Experience" n’étant pas un
best of, on pourrait résumer ainsi les attentes légitimes des amateurs du guitariste :
- De véritables inédits en studio ;
- Des versions alternatives de titres connus, à l’image des coffrets consacrés aux grands jazzmen (selon les prises, les soli peuvent varier considérablement) ;
- Publication des derniers titres de premier ou de second plan non réédités ;
- Du Live, présenté de façon cohérente, à l’image de "Stages" quelques années plus tôt.
La mention "
Previously Unreleased Alternate Recording" mérite une petite explication de texte. L’approche de Jimi Hendrix en studio se rapprochait plus du Pink Floyd ou des Beatles que de John Coltrane : il enregistrait généralement un basic track (basse/guitare/batterie) avec son groupe avant de commencer de longues séances d’overdubs. Nous ne sommes donc pas en présence d’une véritable "alternate take" (soit une prise complètement différente) [s]mais d’un stade antérieur de l’enregistrement final[/s], plus ou moins abouti selon les cas.
Cette précision a son importance car une prise trop proche (voire identique) n’a guère d’intérêt pour l’amateur possédant déjà les enregistrements originaux : on se rapproche alors plus d’un
best of amélioré (au moins sur le critère de la rareté !) que d’une rétrospective présentant un regard nouveau sur un artiste.
"Foxey Lady" et "Highway Chile" sont ainsi d’un intérêt plus que mineur : la première est quasi identique à la version ouvrant "Are You Experienced" ; et la seconde diffère uniquement par le mixage (en stéréo) !
"Purple Haze" et "If 6 Was 9" présentent quelques variations (comme le chant sur "Purple Haze"), mais celles-ci restent minimes. Elles sont plus anecdotiques encore pour "Third Stone From the Sun" : la complicité de Chas Chandler et de Jimi est palpable... mais rien de nouveau d’un strict point de vue musical.
Le même commentaire pourrait s’appliquer à la seconde version de "Hey Joe" présentée sur ce CD.
La courte prise de "Burning of the Midnight Lamp" remonte à la genèse même du titre : le principal intérêt de cette démo est de nous présenter le talent de Jimi au clavecin ! Dispensable, mais sympathique.
Trois titres studio retiendront au final toute notre attention :
"Title #3" est un bref instrumental inédit dans une veine proche de "Can You See Me". La proximité avec cette dernière explique peut-être pourquoi Hendrix n’a pas plus développé un début prometteur ?
"Here He Comes (Lover Man)" est peut-être une version instrumentale de "Rock Me Baby". Dommage que les couplets ne soient pas chantés...
Enfin, "Taking Care of No Business" est une chanson inédite (toutes périodes confondues !) dans une veine proche de "My Friend", mais dont la tonalité se veut plus humoristique. Ce titre connaîtra une séance d’overdubs dans les années 80 en vue d’une sortie officielle... qui ne verra jamais le jour. La version présentée ici est dépouillée, mais réjouissante.
Les quatre titres Live de ce premier CD sont excellents... mais d’intérêt divers.
La prestation de l’Experience à Monterey fut historique. Mais couper "Rock Me Baby" et "Like A Rolling Stone" du reste de la performance n’a aucun sens : pourquoi ne pas présenter le concert dans son intégralité ?
Par contre, "Killing Floor" et "Hey Joe" sont deux témoignages exceptionnels : ce sont les premiers titres enregistrés par l’Experience (en première partie de Johnny à l’Olympia !). Outre l’aspect historique de ces enregistrements (dont la qualité audio est excellente), c’est le chant de Jimi, très appliqué, qui frappe : posé, juste, Hendrix n’était pas qu’un guitariste !
Le second disque du coffret commence avec deux excellents titres Live du Jimi Hendrix Experience : "Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band" et "Burning of the Midnight Lamp".
Malheureusement, on peut faire à ces titres le même reproche qu’aux extraits de Monterey : pourquoi publier ces deux seuls titres alors que le concert fut publié in extenso quelques années auparavant ?
Les deux extraits du concert de l’Experience donné le 9 octobre 1967 à l’Olympia présentés ici, à savoir "The Wind Cries Mary" et "Catfish Blues", étaient, eux, bien inédits.
Depuis la publication par Dagger de "Paris 1967 / San Francisco 1968", une majeure partie du concert est disponible officiellement selon la répartition suivante :
1. Stone Free >>> Paris 1967 / San Francisco 1968
2. Hey Joe >>> Paris 1967 / San Francisco 1968
3. Fire >>> Paris 1967 / San Francisco 1968
4. Catfish Blues (coupée) >>> Coffret "The Jimi Hendrix Experience"
5. The Burning of the Midnight Lamp >>> Inédit
6. Foxy Lady >>> Inédit
7. The Wind Cries Mary >>> Coffret "The Jimi Hendrix Experience"
8. Rock Me Baby >>> Paris 1967 / San Francisco 1968
9. Red House >>> Paris 1967 / San Francisco 1968
10. Purple Haze >>> Paris 1967 / San Francisco 1968
11. Wild Thing >>> Paris 1967 / San Francisco 1968
Ces deux titres sont là encore excellents, mais la version de "Catfish Blues" est malheureusement coupée sur la fin.
Après, se pose tout de même des questions de cohérence : l’éclatement de ce concert sur deux supports différents est a posteriori regrettable.
Quant à "Fire", cette version était déjà disponible sur le "Live At Clark University" publié par Dagger Records : pour autant, le label était alors encore relativement confidentiel, et la présence de ce seul extrait du catalogue Dagger peut se justifier.
La partie studio de ce deuxième CD revient dans un premier temps sur les sessions de "Axis: Bold As Love".
Si la version de "Little Miss Lover" reste assez proche de la version publiée en 1967, les versions instrumentales de "Little Wing" et "Bold As Love" apportent véritablement un éclairage nouveau sur ces titres. Certes, ce sont des versions de travail, mais c’est justement ce qui fait tout l’intérêt de ces prises.
La sérénité n’était pas encore de mise sur "Little Wing", dont la version devrait réjouir les amateurs de SRV.
"Bold As Love" permet de comprendre comment Jimi pouvait travailler en studio : ses compositions n’excluaient pas le tâtonnement, pour notre plus grand bonheur en l’espèce.
"Sweet Angel", déjà présente sur "South Saturn Delta" (mais éditée) est certainement plus à sa place dans le cadre d’un coffret. Le titre est plus complet ici... mais il y avait sans doute mieux à proposer qu’un doublon d’une démo...
Débarrassée de ses
douglasseries inutiles, "Somewhere" est pour le coup un véritable inédit enregistré lors des sessions du troisième album de l’Experience. A noter que Mitch Mitchell (préfigurant en cela ce que fera Douglas par la suite !) réenregistra la partie de batterie après la mort de Jimi. Dans le cadre du coffret, ce choix est là encore parfaitement justifié.
Les sessions studio de 1968 sont au final peu présentes.
"Have You Ever Been (To Electric Ladyland)" permet aux complétistes de retrouver l’ultime plage de "Loose Ends".
Quant à "Gypsy Eyes", c’est un retour sur les innombrables sessions consacrées à ce titre, qui finiront par avoir raison de la patience de Chas Chandler. A ce stade, les overdubs de la version ici présentée sont suffisamment différents de la version publiée en 1968 pour satisfaire l’auditeur.
"Room Full of Mirrors" est un des titres de Jimi qui aura connu une évolution considérable au cours des sessions successives. Cette prise, très courte, est la plus blues, et reste embryonnaire (avec le seul Paul Caruso à l’harmonica comme accompagnateur).
Experience Hendrix nous propose un titre déjà publié officiellement, mais qui demeurait assez confidentiel : "Gloria". Issue des sessions de l’Experience au TTG studio (stériles discographiquement, mais pas musicalement), la reprise des Them trouve parfaitement sa place ici. On retrouve tous les ingrédients qui font la force de l’Experience en concert, les blagues de Jimi en sus.
L’album "Rainbow Bridge" n’ayant jamais été réédité, "The Star Spangled Banner" ne fut disponible en CD que sur la compilation "Cornerstones". Il était temps de réparer cette mise au purgatoire discographique de la version studio de Jimi !
Totalement différente des versions Live, cette version est passionnante pour d’autres raisons : pour ses arrangements, et pour son lyrisme : les contrepoints de Jimi ne sont-ils pas savoureux ?
Enfin, pour la maîtrise du studio dont Hendrix fait preuve : enregistrée entièrement en re-recording, certaines parties furent couchées sur bande en divisant par deux la vitesse de celle-ci, afin d’obtenir ce timbre si particulier (une octave au-dessus) lorsque la bande est joué normalement.
Toutefois, la meilleure surprise de ce deuxième CD est un véritable inédit : "It's Too Bad". Trente ans après sa mort, le répertoire Hendrixien contenait donc encore des perles restées inédites ! Duane Hitchings à l’orgue et Buddy Miles à la batterie secondent Hendrix dans un blues autobiographique, où il évoque ses relations avec son frère Leon, mais aussi avec la communauté afro-américaine. Pas de solo brulant, mais un long blues sur un accord, où les qualités de chanteur de Jimi s’expriment au mieux : posé, son chant explore des registres émotionnels très divers. La douceur cède le pas à la menace... Vraiment splendide. Tout en retenue, le morceau n’explose que lors du final, où le groupe se concentre sur le rythme, le collectif l’emportant sur les individualités. A noter que le pirate "February 1969 Sessions" présente une version non coupée de "It's Too Bad" : en effet, le groupe reprend après ce qu'on pourrait croire être la fin du morceau... et Jimi se livre à un solo blues sur une rythmique mid-tempo.
Au final, les quelques réserves émises plus tôt ne doivent pas ternir ce qu’on tient ici : un deuxième CD véritablement enthousiasmant.
Seul le troisième CD du coffret "The Jimi Hendrix Experience" présente plus de Live que de studio. Avec le paradoxe suivant : musicalement le meilleur des 4 CD du coffret, c’est éventuellement pour l’amateur le CD le moins intéressant car tous les extraits Live présentés ici sont non seulement connus, mais sont pour la plupart de véritables classiques : c’est donc un excellent
best of Live de l’Experience cuvée 1969, avec quelques titres remixés… mais rien de plus.
"Little Wing" et "Voodoo Child (Slight Return)" sont ainsi extraits du phénoménal concert de l’Experience donné au Royal Albert Hall le 24 février 1969. Sublimes certes... mais archi-connus !
"Red House" et "Purple Haze" proviennent du concert donné à San Diego le 24 mai 1969 (soit le 3ème volume de "Stages").
Quant à "I Don't Live Today", c’est un extrait du concert donné le 26 avril 1969 au Los Angeles Forum, disponible naguère sur le quatrième CD du coffret "Lifelines".
Les archivistes reconnaîtront dans cette sélection la colonne vertébrale de "Hendrix: In The West". De l’art de recycler l’existant...
Qu’en est-il de la partie studio ?
Celle-ci s’avère très intéressante. Les trois premiers titres sont des inédits de premier plan.
Dans la perspective de l’inclure dans la compilation "Smash Hits", Hendrix avait enregistré une splendide version de "Stone Free" (pourtant restée dans les placards...). Cette version, débarrassée des outrages que Douglas lui avait fait subir sur "Crash Landing" dépasse sans problème la face B de "Hey Joe", bien faible en comparaison. Les parties de guitare sont autrement plus inspirées que le solo de 1966, montrant les progrès fantastiques opérés par Jimi en moins de trois ans.
Avant de jouer au Royal Albert Hall, l’Experience avait investi un studio de répétition pour parfaire son répertoire. "Spanish Castle Magic" et "Hear My Train A Comin'" laissaient présager la qualité de la performance à venir : le groupe est parfaitement en place, sans concurrence Live sérieuse depuis la séparation de Cream.
Là encore, c’est une agréable surprise, au bout de 30 ans, de découvrir une version studio aussi puissante d’un titre comme "Hear My Train a Comin'" ! Les deux solos de Jimi sont d’une intensité sans égale.
La prise de "Room Full of Mirrors" trouve sa place dans le cadre d’un coffret, même si on baisse musicalement d’un ton en comparaison des trois premiers titres.
Enregistrée lors de la première session d’enregistrement de Billy Cox avec Jimi (alors que l’Experience n’est pas encore séparée), les notes de pochettes originales ne précisaient pas que c’est Rocky Isaac qui officiait à la batterie, accompagné d’Al Marks aux percussions. Cette prise est proche de celle présentée presque en même temps sur "Morning Symphony Ideas" (soit 3 nouvelles versions de "Room Full of Mirrors" la même année !). Rocky Isaac est loin de faire l’affaire : son jeu manque de précision, et je trouve sa prestation indigne d’un musicien de la trempe d’Hendrix. Pour autant, le reste du titre est loin d’être déplaisant : Billy Cox fait preuve des qualités purement bassistiques que Jimi désespérait de trouver chez Noel Redding. Ce jour-là, une page se tournait peut-être…
Le dernier titre est l’œuvre du Gypsy Sun & Rainbows, dont les titres studio officiels ne sont pas légion ! C’est un Hendrix en pleine mutation musicale qui nous propose une version assez complète de "Izabella" : l’Experience est stylistiquement déjà bien loin. Le rôle de Billy Cox est déjà posé : il joue des lignes complexes, mais écrites.
Cette prise trouve parfaitement sa place ici : intéressante, mais pas vraiment aboutie. On sent que le nouveau groupe ne tourne pas encore à plein régime : il a besoin de trouver ses marques. Le travail de mise en place pousse peut-être Hendrix à la retenue : on ne trouve pas le relâchement habituel du guitariste.
Au final : un bilan contrasté pour ce troisième volume, dont seule la partie studio retiendra l’attention des amateurs éclairés.
Le quatrième CD du coffret "The Jimi Hendrix Experience" rend le titre et la présentation de ce dernier (une photo de l’Experience étonnante : Noel Redding semble avoir sa main dans le pantalon de Jimi !) un peu trompeurs : du Jimi Hendrix Experience, il n’en est nullement question ici.
En effet, le dernier CD du coffret revient sur les séances consacrées à l’élaboration de l’ultime album studio de Jimi, agrémenté de quelques titres Live.
Pas de suspens dans cette chronique : malgré quelques bémols, c’est un CD réussi, qui a de quoi retenir l’attention des admirateurs du Gaucher de Seattle.
Revenons d’abord sur la partie Live, là encore sans véritable surprise. Le Band Of Gypsys est délaissé au profit du trio Hendrix/Cox/Mitchell, mais le "Live At The Fillmore", sorti peu auparavant, était sensé faire le tour de la question.
"Hendrix: In The West" est là encore à l’honneur : la fantastique version de "Johnny B. Goode" enregistrée lors du premier concert donné au Berkeley Community Theatre le 30 mai 1970, ainsi que le "Blue Suede Shoes" (plage 8 - 4:28) joué lors des répétitions ouvrent le bal de la partie Live sur un ton résolument R’n’R.
Ces deux titres étant indisponibles, le choix de retenir ces deux classiques est justifiable, d’autant qu’ils permettent d’élargir le périmètre du répertoire Hendrixien.
Le premier concert donné à Berkeley étant assez inégal, la publication officielle de l’intégralité du concert n’était sans doute pas à l’ordre du jour en 2000.
Choix justifiable certes... mais qui ne risque pas de soulever l’enthousiasme du fan de longue date.
Le medley "Hey Baby/In From The Storm", joué à Maui le 30 juillet 1970 est lui aussi bien connu des amateurs : c’est un des moments fort de la partie concert du film Rainbow Bridge (pour le reste candidat au titre de pire film rock de tous les temps...). Mais il restait inédit en format audio.
Que faut-il penser de la publication officielle de ce seul medley ? La réponse est à nuancer. Les deux concerts ont certes été enregistrés professionnellement, mais les conditions climatiques et les problèmes techniques rencontrés furent tels que la prise de son destinait peut-être plus ces performances à une publication Dagger qu’à une sortie officielle. Pour preuve : la partie de batterie de Mitch Mitchell entendue ici a été rajoutée en studio par la suite. A noter qu’aucune date n’est précisée concernant cet overdub, que l’on peut raisonnablement présumer post mortem.
La publication par Purple Haze Records d’un double album* retraçant ces deux concerts ne préfigure rien de bon quant au devenir officiel de ces concerts.
* CD dont la qualité audio est très moyenne, surtout le second concert.
Les deux derniers titres Live du coffret, à savoir "All Along the Watchtower" et "In From the Storm", sont issus du concert donné le 30 août 1970 à l’Ile de Wight. Aucun intérêt.
Le quatrième album studio de Jimi Hendrix restant à jamais inachevé, la partie studio retraçant ces séances fut celle qui retint le plus mon attention lors de la publication du coffret.
Cette partie débute avec le Band Of Gypsys, dont Hendrix pensa un moment publier un album studio, avant de trancher en faveur du Live supposé régler ses problèmes contractuels.
Une part non négligeable du répertoire de ce dernier album sera d’ailleurs rodée avec le BOG.
La prise de "Message to Love" qui ouvre le CD est bien connue des amateurs du Gaucher : présente dans une version peu altérée sur "Crash Landing", Alan Douglas avait estimé qu’elle avait sa place dans sa version du quatrième album studio de Jimi Hendrix en l’intégrant dans son recueil controversé "Voodoo Soup". Rien de nouveau sous le soleil donc, mais cette version ne méritait pas un nouveau purgatoire discographique.
"Earth Blues" est un nouvel exemple de "
Previously Unreleased Alternate Recording" (Cf. la chronique du premier CD). C’est donc la même prise que celle publiée en 1971, mais à un stade suffisamment avancé pour retenir notre attention.
Retour en arrière donc avec la partie de batterie originale signée Buddy Miles, un autre chant lead, mais aussi des parties de guitares différentes.
Paradoxalement, cette version est plus intéressante pour ses similitudes avec la version de "First Rays Of The New Rising Sun" que pour ses variations. Celles-ci sont finalement mineures, et montrent d’une part le perfectionnisme de Jimi (qui frise l’obsessionnel), mais aussi un compositeur qui utilise le studio comme partition : les idées de Jimi sont en fait très précises.
La dichotomie entre son travail en studio et ses performances Live n’a jamais été aussi grande.
En 1967, les concerts de l’Experience sont le prolongement direct des idées développées sur "Are You Experienced".
Force est de reconnaître qu’en 1970, il y a deux Jimi Hendrix : un Hendrix Live, improvisateur acharné qui prend tous les risques et pousse son instrument dans ses ultimes retranchements. Mais aussi un Hendrix Studio, véritable architecte sonore, qui empile les strates (et accessoirement les Strat !) dans un seul et unique but : servir la composition.
Hendrix schizophrène ?
"Astro Man" est un autre morceau mis en place avec le Band Of Gypsys. Cette prise est une démo assez avancée, où le jeu de questions/réponses développé par les guitares est déjà bien structuré. Autre choix judicieux pour comprendre comment Hendrix pouvait travailler.
Le titre suivant, "Country Blues", issu de la session du 23 janvier 1970 est un véritable inédit du Band Of Gypsys, augmenté d’un harmoniciste. Pas de scoop pour autant, car contrairement à "Once I Had A Woman", ce n’est pas un nouveau blues signé Jimi Hendrix... mais une Jam où l’intro modale au tempo libre débouche sur un blues instrumental. Présente sur de très nombreux bootlegs, cette Jam est plutôt réussie, même si sa mise en place la destinait peut-être plus à une édition Dagger qu’à un coffret officiel.
Intéressant donc, mais avec la mention "Peut mieux faire" dans la mesure où il existe tout même un nombre non négligeable de Jams d’un niveau plus conséquent (y compris ce 23 janvier 1970, où le groupe en grava plus d’une !).
Le dernier titre présenté ici du Band Of Gypsys (Jimi lui rajoutera toutefois des overdubs nettement plus tard ) est "Ezy Ryder".
Autre exemple de "
Previously Unreleased Alternate Recording", le stade antérieur de cette prise présente quelques différences : outre un Steve Winwood mixé plus en avant lors du final, les fills de guitare lead présents au sein des couplets ne sont pas les mêmes. Intérêt mineur, dans la mesure où ces derniers sont loin d’être renversants.
Le reste du matériel studio est l’œuvre du trio Hendrix/Cox/Mitchell. En voici le détail :
Augmenté de Juma aux percussions, le groupe nous livre une démo précoce de "Freedom" digne de retenir notre attention : elle est notablement différente de la version officielle, qui est donc le fruit d’une évolution conséquente. Rythmique, breaks et mélodie du chant sont ainsi relativement éloignés sur cette prise (sans parler de l’absence du pont et de la fin), même si l’essence du morceau est bien présente.
Avec "It’s Too Bad", la version studio présentée ici de "Lover Man" est sans conteste une des grandes réussites de ce coffret. Puissante, compacte, c’est la meilleure version jamais publiée à ce jour d’un des titres les plus joués par Hendrix. L’instrumentation est ultra efficace, rock et fluide à la fois. Les deux guitares enregistrées par Jimi se marient à merveille. Le passage dissonant présent en fin de solo n’a d’ailleurs jamais aussi bien sonné qu’ici (et montre d’ailleurs les limites du power trio en concert). Et les variations rythmiques sur le riff proposé à 2:11 sont terribles. Mitch Mitchell et Billy Cox sont parfaitement calés. Et que dire du chant de Jimi ! Il est au top de sa forme, rock comme jamais : Mick Jagger n’aurait pas renié sa performance (je trouve d’ailleurs que Jimi chante ici dans un style similaire).
Le coffret nous réserve un autre véritable inédit : "Cherokee Mist". Cette prise est en effet totalement différente de celle présentée quelques années plus tôt sur "Lifelines". Thème récurrent le long de sa courte carrière, "Cherokee Mist" ne sera jamais finalisé de son vivant. Cette prise montre "Cherokee Mist" à un stade intermédiaire : outre le thème lui-même, Hendrix avait incorporé de nouveaux éléments rythmiques qu’il utilisera finalement sur "In From The Storm" comme structure de la partie post-couplets. Plus qu’une Jam, c’est un instrumental en devenir dans la mesure où si l’aspect Live en studio est indéniable, la structure est suffisamment compliquée pour distinguer cette prise d’une improvisation spontanée. Bonne surprise, d’autant que le jeu de Mitch Mitchell est ici mis en valeur avantageusement.
"Come Down Hard On Me" n’est ni inédit, ni une surprise (le titre était sorti initialement en 1973 sur "Loose Ends"). Mais sa réédition s’imposait car ce blues, funky en diable, est une ébauche déjà avancée d’un titre prometteur.
Par contre, inclure une version aussi proche de "Night Bird Flying" était à mon sens nettement plus dispensable.
Quant au dernier titre, "Slow Blues", autre véritable inédit, si le cut en plein milieu de prise ne peut que nous désoler, sa place ne fait guère l’objet de discussion pour des raisons historiques : c’est en effet l’ultime enregistrement studio de Jimi avec ses deux compères.
Il est dommage que ce titre soit coupé car Hendrix joue dans un style où il est rare de le voir évoluer : laid back, en son clair, laissant respirer chaque note…
It’s Too Bad…
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