Jimi By Himself - The Home Recordings (1995)
1. 1983... (A Merman I Should Turn to Be)
2. Angel
3. Cherokee Jam
4. Hear My Train A'Comin'
5. Voodoo Chile/Cherokee Mist
6. Gypsy Eyes
"
Jimi By Himself - The Home Recordings" n'est pas à proprement parler un album de Jimi Hendrix : c'est un CD qui accompagnait la première édition de "
Voodoo Child: The Illustrated Legend of Jimi Hendrix", une bande dessinée signée Martin I. Green (textes) et Bill Sienkiewicz (dessins) publiée en 1995 par Penguin Studio Books. Avec l'aval d'Alan Douglas donc.
Le CD présente quelques démos enregistrées par Jimi au printemps 1968 dans la perspective de ce qui allait devenir
"Electric Ladyland".Sur les 6 titres, seule la moitié se retrouvera sur le dernier album du Jimi Hendrix Experience. Il est intéressant de noter que ce ne sont pas forcément les démos les plus abouties qui seront retenues : "Angel" était presque terminée alors que "Gypsy Eyes" va connaître de drastiques changements par la suite.
Contrairement à ce qui est indiqué sur les nombreux pirates qui reprendront l'intégralité de ces enregistrements, Jimi ne joue pas de guitare acoustique, mais d'une guitare électrique en son clair. Notons enfin l'excellente qualité audio de ces démos, enregistrées Live par Jimi, en stéréo.
La démo de "
1983... (A Merman I Should Turn to Be)" (version chantée ici) est particulièrement intéressante : elle montre que Jimi avait déjà une idée très précise de ce qui allait constituer l'essentiel de la face 3 de "Electric Ladyland".
L'enregistrement nous plonge véritablement dans l'intimité du créateur : on entend Jimi s'arrêter de jouer pour tourner les pages de son carnet afin de lire les paroles du pont de la composition ("
It's too bad..."), puis lorsqu'il revient aux couplets ("
So my darling...").
L'intermède instrumental joué en solo qui suit préfigure largement le passage aquatique modal.
Musicalement, l'interprétation est superbe et se suffit à elle-même.
A l'écoute de "
Angel", déjà publiée en 1990 sur
"Lifelines - The Jimi Hendrix Story",on comprend pourquoi "Electric Ladyland" est un chef d'oeuvre : Jimi pouvait se permettre d'écarter une composition aussi forte ! Peut-être est-ce le lien de parenté avec "Little Wing" qui a motivé Jimi ? En tout cas, la démo de "Angel" est exceptionnelle, plus émouvante encore que la version de "The Cry Of Love". C'est dire...
"
Cherokee Jam" est le seul instrumental du recueil. "Cherokee Mist" serait sans doute un titre plus approprié dans la mesure où Jimi est seul et expose ce thème (dont il n'enregistrera malheureusement aucune version définitive) sans extrapoler plus que ça.
Les trois titres suivants semblent enregistrés d'une seule traite : Jimi a-t-il pensé enregistrer une longue suite autobiographique dans un premier temps ?
De "
Hear My Train A'Comin'", Jimi n'interprète (malheureusement) que le premier couplet. Le faible volume sonore lui donne l'occasion d'explorer des nuances vocales impensables lors de ses versions Live. On l'entend alors tourner les pages de son carnet, et commencer une première version de "Voodoo Chile", rapidement avortée.
Le début de "
Voodoo Chile/Cherokee Mist" est saisissant : il y a du John Lee Hooker dans la manière dont Jimi chante alors à l'unisson avec sa guitare.
Si les paroles de "Voodoo Chile" sont pour l'essentiel déjà écrites, il est intéressant de noter que la composition était alors assez différente : le refrain est à ce stade absent et les couplets ne se limitaient pas à un seul accord mais suivaient une grille blues (12-bar blues en mineur).
Musicalement, c'est là encore un grand moment : l'absence de groupe ne pose ici aucun problème. John Lee Hooker n'a-t-il pas lui même enregistré ses meilleurs albums dans ces conditions ?
Jimi revient au thème de "Cherokee Mist" lors du passage instrumental...
... et enchaîne directement sur "
Gypsy Eyes", dans la mesure où cette démo peut s'appeler ainsi : les paroles sont différentes, ainsi que la grille d'accords et la tonalité.
Même titre donc (ce sont les paroles du refrain), mais autre composition.
Après le premier refrain, on entend le téléphone sonner au fond de la pièce... ce qui n'empêche pas Jimi de continuer sur sa lancée !
Vous l'aurez compris : plus que de simples démos, ces enregistrements constituent un fantastique document dont la réédition, sous une forme ou une autre, est indispensable : au-delà du virtuose, c'est le compositeur et chanteur qu'il nous est donné d'entendre ici.