Philadelphie (Temple Stadium) : 16 mai 1970 Titres :
1. Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band
2. Johnny B. Goode
3. Machine Gun
4. Lover Man*
5. Foxey Lady
6. Red House
7. Freedom*
8. Fire*
9. Get My Heart Back Together/Keep On Groovin'*
10. Purple Haze
11. Voodoo Child (Slight Return)
Source : "Live In Philadelphia" ATM 106
* Titres coupés
C'est un enregistrement "Audience" de bonne qualité : les instruments sont tous audibles, et plutôt bien équilibrés. Il y a un peu de saturation par moment, mais le principal reproche que l'on puisse faire à ce pirate, ce sont surtout ses nombreux cuts. Pour autant, même si certaines coupes sont sévères, elles se situent rarement sur les titres stratégiques du répertoire Hendrixien.
La formule du "Cry Of Love Tour" est simple : le groupe ne donne des concerts qu'en fin de semaine, laissant ainsi le temps (et l'énergie) à Jimi de travailler sur son quatrième album studio le reste du temps.
Le concert donné au Temple Stadium de Philadelphie le 16 mai 1970 se situe dans le prolongement de ceux donnés les trois week ends précédents, tant esthétiquement qu'au niveau du répertoire : la sainte Trinité Hendrixienne est toujours présente, agrémentée de deux reprises jouées ici pour la première fois en 1970.
Avant l'entrée en scène de Jimi Hendrix, les spectateurs purent admirer le Grateful Dead, le Steve Miller Band and Cactus.
Le premier titre joué au Temple Stadium est un clin d'œil qui nous renvoie 3 ans en arrière : après quelques mesures où Mitch Mitchell installe seul un rythme solide, le groupe nous offre le premier couplet du "Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band" des Beatles. Simple mise en bouche, Billy Cox s'arrête de jouer et laisse ses compères conclure cette introduction sur des riffs qui évolueront bientôt sur le "Pass It On" joué à Berkeley deux semaines plus tard, lui même devenant "Straight Ahead" par la suite.
Jimi attaque ensuite la célèbre introduction du "Johnny B. Goode" de Chuck Berry, mais s'interrompt presque aussitôt pour la jouer un ton plus haut.
Cette version est très proche de celle qu'il donnera deux semaines plus tard à Berkeley. Même énergie, et même enthousiasme.
Le solo central, de 24 mesures (soit deux cycles) est une extrapolation de celui de Chuck Berry... mais faisant tout de même passer son illustre aîné pour un dinosaure ! Le choix de notes n'est pas fondamentalement différent de la version originale (même si Jimi met le turbo dans lors du second cycle)... mais le phrasé et l'approche sonore sont tellement éloignés que la version de Jimi évolue dans un tout autre univers.
Jimi rejoue deux cycles en solo après le dernier refrain, dans la même veine thermonucléaire que le solo central.
Jouissif !
Lors de sa présentation de "Machine Gun", Jimi fait autant référence à ceux qui vont répandre leur sang qu'à ceux qui affrontent des batailles intérieures.
Après une ouverture où Jimi joue librement ses traits flamencoïsants, le groupe attaque les riffs de l'introduction et instaure un climat tendu.
Il est intéressant de noter que, malgré une forme très libre, "Machine Gun" présente malgré tout des arrangements récurrents : même sans parole, on pourrait identifier les couplets par les seules réponses guitaristiques de Jimi à un certain nombre de ses vers.
Il commence son solo central avec un son moins saturé qu'à l'accoutumée, et n'obtient d'ailleurs pas le sustain habituel lors des tirés initiaux. Cela donne un coté plus blues aux premières mesures, rapidement dissipé par le passage en trilles modulées au vibrato.
Le solo prend de l’intensité… même si quelques spectateurs un peu bruyants ont malheureusement immortalisé leur présence.
Le groupe enchaîne avec le riff "No Quarter", avant la reprise des derniers couplets.
Hendrix termine par un ultime solo, très libre, qu'il était le seul à pouvoir produire alors.
Bonne version.
L'enregistrement de "Lover Man" ne commence qu'à la fin du solo central : c'est certes frustrant, mais les versions proposées par le groupe varient peu d'un concert l'autre. Et Jimi nous gratifie tout de même d'un fiévreux final a capella.
La version de "Foxy Lady" qui suit est solide, dans le fil des versions proposées par le groupe depuis le début de la tournée. Hendrix reprend presque intégralement le solo de la version studio, le prolongeant de quelques traits assez tendus. Pas de solo final mais une fin très visuelle où Jimi écrase son manche contre le pied de micro.
Lors des 24 mesures d'introduction de "Red House", Jimi revisite ses racines blues, jouant avec les nuances et les silences des maîtres du genre. Il est possible que la présence Billy Cox ait contribué à cette tendance plus puriste, manifeste depuis le début de la tournée.
Les deux couplets suivants sont dans une veine similaire, avec un chant moins nostalgique (moins émouvant aussi) que lors des dernières versions.
Dès le début du solo central, Jimi met plus d'intensité, joue un tiré à la Albert King, puis des traits de plus en plus nerveux, lançant un deuxième cycle qui nous replonge en 1969 : Mitch Mitchell accélère le tempo comme au temps l'Experience. Pour autant, il y a tout de même plus de retenue, et il calme le jeu en fin cycle, annonçant un dernier cycle très relâché.
La reprise du chant (là encore assez moyen) est de nouveau ponctuée par des réponses guitaristiques modulées à la wah wah.
Par contre, "Freedom" est sévèrement amputée : l'enregistrement ne démarre que sur la partie instrumentale centrale en Fa dièse qui précède le pont (absent de la version studio de "The Cry Of Love") et s'interrompt avant la reprise du couplet.
Notre bootlegger était manifestement plus friand des parties instrumentales que des parties chantées : la bande ne reprend qu'avec le solo central de "Fire". Ce dernier est intense et inspiré.
Hendrix enchaîne classiquement sur sa citation du "Outside Woman Blues" de Cream, plaçant au milieu de celle-ci le riff de "Sunshine Of Your Love".
Le solo final est un peu plus long que d'habitude, mais un peu inégal.
Hendrix annonce "Get My Heart Back Together", dont les nombreux cuts rendent l'appréciation difficile.
L'introduction est jouée assez légère, avec un son bluesy relativement clair : pas de feed back en embuscade ici.
Les deux premiers couplets manquent un peu d'entrain : on dénote un certain manque de conviction.
Il commence son solo central par des traits blues avec un son toujours peu saturé. Alors que le solo, un peu terne, semble décoller intervient un premier cut : on enchaîne directement sur le dernier couplet. Là encore, Jimi ne s'implique pas vraiment vocalement.
Après un solo peu convaincant... et un nouveau cut, on arrive à une citation de "Keep On Groovin'" dispensable : Jimi semble endormi !
Pas de trace de l'hymne américain avant "Purple Haze"... mais peut-être qu'il n'a pas été enregistré. Jimi semble sortir de sa torpeur sur ce titre, même si la version n'est pas inoubliable.
Le son du solo central ressemble aux sons les plus extrêmes que McLaughlin utilisera quelques années plus tard, mais il n'est pas exclu que ce soit lié à la qualité de la bande.
La soirée se termine sans surprise avec "Voodoo Chile (Slight Return)", sous réserve d'un rappel non enregistré... peu probable dans la mesure où Jimi n'en faisait que rarement.
Le solo central commence par un jeu assez intense. Des riffs évoquant le Band Of Gypsys précèdent un passage en octaves où Jimi fait retomber la tension.
Ce n'est pas franchement mauvais, mais on sent que l'enthousiasme du début de concert est retombé.
Au final ? Du bon... et du moins bon.
Un son permettant d'apprécier la performance, un début de concert réussi, et l'absence de problème technique (notamment de justesse) sont à mettre à l'actif de ce concert. Par contre, la fin de la performance n'est pas à la hauteur des qualités exceptionnelles de Jimi... On remarquera d'ailleurs que ce sont souvent sur les fins de concert que les performances prennent l'eau.