Madison (Dane County Memorial Coliseum) : 2 mai 1970 Titres :
1. Fire
2. Room Full Of Mirrors
3. Hear My Train A Comin'
4. Lover Man
5. Red House
6. Message To Love
7. Ezy Ryder
8. Machine Gun
9. Star Spangled Banner
10. Foxy Lady
11. Voodoo Child (slight return)
12. Purple Haze
Source : "Madison Blues" (ATM 141-142).
C'est un enregistrement "Audience" de plus de 80 minutes, de qualité moyenne mais relativement bien équilibré : on entend enfin Mitch Mitchell ! Il souffre d'un peu de distorsion, mais il est tout à fait écoutable (surtout quand on a chroniqué Milwaukee la veille !). La qualité chute de manière notable en seconde partie de concert, rendant l'écoute autrement moins confortable : le son reste équilibré, mais la distorsion est vraiment plus importante.
La setlist proposée ce 2 mai 1970 a de quoi retenir notre attention : la sainte trilogie de l'Electric Church est présente ! On retrouve donc "Hear My Train A Comin'", "Red House" et "Machine Gun"...
Et on notera l'apparition de deux nouveaux titres au répertoire du "Cry Of Love Tour" : "Red House" donc, mais aussi "Fire".
"Yeah, vous vous souvenez de celle-là ?" demande Jimi après quelques mesures d'introduction de "Fire". Présent sur ses deux plus grosses ventes américaines alors ("Are You Experience" et "Smash Hits", dans leurs versions US), c'est la première de ce standard de l'Experience dans la setlist du nouveau groupe. La version soutient sans problème la comparaison avec celles de 1969 : énergique, bien chantée, avec des parties de guitare incisives.
Il nous gratifie de la classique citation du "Outside Woman Blues" de Cream avant de reprendre le dernier couplet.
Un "Merci beaucoup" de Jimi répond à l'accueil favorable de la foule.
Jimi introduit ensuite "Room Full Of Mirrors" par un petit discours... dont la teneur m'échappe un peu. La version est plus relâchée (la guitare rythmique est assez légère) que lors des précédentes versions, avec un chant plutôt réussi, notamment sur la fin (inédite ailleurs), où Jimi chante avec un enthousiasme évident. Le solo central est très court, mais bien senti. On sent les progrès effectué au fil des versions sur un titre encore en devenir.
Hendrix présente "Hear My Train A Comin'" à l'audience puis attaque seul l'introduction (en chantant directement le refrain). Encore une fois, c'est une version digne de retenir toute notre attention qui nous est proposée.
Après un faux départ (il n'y a pas de saturation), Jimi développe un solo de plus de 4 minutes où il joue des tirés fantastiques. L'improvisation est fascinante : Hendrix & Mitchell se cherchent un peu par moment, mais c'est justement ces imperfections qui rendent la musique de Jimi tellement vivante. D'autant qu'ils se trouvent la plupart du temps (Billy Cox assurant lui le tempo, imperturbable)... Le solo est véritablement traversé de fulgurances. Il connaît d'ailleurs une sorte de second départ à la sixième minute, puis sont joués des traits proches de certains développés sur "Machine Gun", où la guitare se fait cri.
Le solo joué en coda est dans un style tout autre : après l'orgasme vient le repos, dans une ambiance plus crépusculaire.
Hendrix, décidément de très bonne humeur, blague ensuite avec son public... qui apprécie son humour !
"Lover Man" est joué dans la lignée des performances précédentes : concis, efficace.
Vient ensuite le grand retour de "Red House"... pour notre plus grand plaisir.
L'introduction instrumentale reprend les mêmes bases que les versions proposées en 1969. L'esprit est assez proche du "Bleeding Heart" joué au Royal Albert Hall : Jimi laisse respirer son discours. Et montre sa maîtrise totale de l'idiome.
Le titre est connu : on entend un spectateur chanter la première ligne du premier couplet en même temps que Jimi ! Il a toutefois la bonne idée de ne pas prolonger cet exercice... et nous laisse ainsi profiter du chant (superbe) de Jimi, ponctué par ses interventions guitaristiques.
"Il me reste ma guitare, c'est OK" dit-il avant de commencer son solo, avec un son étonnamment clair, dans un esprit proche de son introduction (légèrement plus tendu toutefois).
Le second cycle nous rappelle les versions passées, avec une intensité énorme... mais Mitch Mitchell reste blues : pas de changement de rythme dans cette version.
Le troisième cycle marque un retour au calme, avec un son moins saturé.
Ni passage jazzy, ni cycle a cappella : Hendrix reprend le couplet au terme d'un solo de 36 mesures seulement. Il annonce ainsi la structure des versions à venir, plus recentrées. A noter enfin le tempo : assez lent, comme lors des versions de l'Experience.
Hendrix attaque ensuite "Message To Love", premier titre d'actualité de la soirée (le "Band Of Gyspsys" est dans les bacs depuis quelques jours). Notre spectateur-chanteur accompagne d'ailleurs Hendrix au chant de temps à autre (assez mal sur le passage "Everybody..." !). C'est une version solide. Hendrix est bien accordé : c'est la condition sine qua non de la réussite de ce titre. Le travail de Mitch Mitchell est irréprochable.
Le solo central s'éloigne un peu de la version officielle. Le second solo débute très nerveusement, puis rebondit sur des traits assez aventureux. La fin est elle aussi originale, avec des accords plaqués suite à la montée chromatique... presque une berceuse !
Si "Ezy Ryder" part plutôt sur de bonnes bases, la suite est moins brillante : le pont est mal chanté (comme à presque chaque fois malheureusement), et le solo de guitare très moyen.
Hendrix dédie ensuite "Machine Gun" "à tous les soldats de Madison, Milwaukee et, oh oui, Viêt Nam... et Cambodge"... suite aux bombardements américains des jours précédents. Il joue même brièvement l'hymne américain avant de commencer l'introduction de "Machine Gun".
La qualité audio de l'enregistrement s'est toutefois dégradée depuis le début du concert.
On sent Hendrix impliqué par ses paroles : il investit son chant... mais sa guitare, pas vraiment juste, leste un peu les couplets.
Le solo central dure moins de trois minutes.
Hendrix commence son solo par un tiré infini, continuant sur des traits assez rapides, mais étonnamment assez peu saturés.
Il met plus d'intensité par la suite au niveau du son, et, chose rarissime sur "Machine Gun", joue même un passage avec les dents !
Le riff "No Quarter" correspond à la reprise des couplets. Le passage chanté qui suit est d'ailleurs plus long qu'à l'accoutumée.
Lors du solo free du coda, les mitrailleuses échangent quelques tirs, la guitare se fait aquatique... pour une version intéressante, mais moins aboutie que d'autres soirs.
Pour ceux qui douteraient de son investissement politique, Jimi enfonce définitivement le clou en défigurant magnifiquement "Star Spangled Banner". Au delà du message politique d'une telle interprétation, "Star Spangled Banner" montre l'évolution d'un artiste : star de la pop en 1967, il navigue ici dans les mêmes eaux qu'un Albert Ayler, jouant une musique adulte, qui se moque des conventions. Guitaristiquement, il ouvre son instrument à des potentialités qui semblaient réservées aux seuls souffleurs. Au delà des apparences ("Go ahead on mister business man, you cant dress like me"), Hendrix transgresse désormais le fond.
Cette fois-ci, Hendrix n'enchaîne pas avec "Purple Haze"... mais avec "Foxy Lady" ! Le taux de distorsion de l'enregistrement ne s'est pas amélioré entre temps (lors des couplets, la prise de son de sa guitare est telle qu'il est même difficile de se rendre compte à quel point il est désaccordé !)... Le solo semble pourtant de bonne qualité, même s'il se termine un peu en queue de poisson.
Les problèmes de justesse persistent sur "Voodoo Child (Slight Return)", mais la structure du morceau permet à Jimi de rattraper partiellement le coup. Le solo central est correct, compte tenu du contexte : Hendrix axe surtout son jeu sur les tirés (mais ça ne décolle pas vraiment non plus).
Sur la fin, Jimi est complètement désaccordé : il avorte aussitôt le solo qu'il semblait débuter (avec un réglage hyper agressif de l'Octavio) et laisse le champ libre à Mitch Mitchell, qui se lance dans un solo de batterie.
C'est parfaitement accordé que Jimi revient avec "Purple Haze"... qui suscite de nouveau des vocations à notre spectateur-chanteur déjà évoqué plus haut. Le solo ne garde de la version studio que ses premières mesures. Il est court et sauvage. Dans son ensemble, la version est puissante. Jimi termine par un coda a cappella où il fait l'inventaire de son instrument avant de conclure par un mur de feed back.
Au final ? Encore une bonne performance ! A rapprocher de celle du LA Forum : début de concert très réussi, avec une fin lestée par des problèmes de justesse.
La qualité audio n'est toutefois pas comparable...