Hendrix In The West (1972)
Face 1
1.
Johnny B. Goode (Chuck Berry)
2.
Lover Man3. Blue Suede Shoes (Carl Perkins)
4. Voodoo Child (Slight Return)
Face 2
1. The Queen (Traditional)
2. Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band (John Lennon/Paul McCartney)
3. Little Wing
4. Red House
"
Hendrix in the West" est sans conteste un des meilleurs albums post mortem de l'ère Michael Jeffery.
Et pour beaucoup, le meilleur Live jamais publié à ce jour, avec notamment les versions définitives de trois de ses compositions majeures ("Voodoo Child (Slight Return)", "Little Wing" et "Red House").
Dans la perspective de la sortie du film "Jimi Plays Berkeley", Jeffery demanda à Eddie Kramer et John Jansen de compiler un album à partir des bandes enregistrées à Berkeley. Aussi incroyable que ça puisse paraître aujourd'hui, Kramer estima qu'il n'y avait pas suffisamment de matériel et proposa d'élargir le recueil à d'autres concerts.
Tous étaient conscients de la qualité du concert de l'Experience au Royal Albert Hall... mais ces titres étaient en principe inutilisables pour des raisons contractuelles.
Michael Jeffery régla le problème à sa manière. Regardez les crédits de "Voodoo Child (Slight Return)" et de "Little Wing" : Supposés provenir de la performance de San Diego, Jeffery pensait avoir réglé le problème...
Mort dans un accident d'avion en 1973, il n'aura pas la chance de défendre son cas devant les tribunaux.
Histoire de se mettre en condition, l'album débute par le "
Johnny B Goode" de Chuck Berry dans une version thermonucléaire, immortalisée dans le film "Jimi Plays Berkeley".
L'introduction, qui reprend quasiment à la note près celle de Chuck Berry, montre tout ce qui le sépare de son aîné en termes de tranchant et d'agressivité.
Couplets et refrains sont joués dans la même veine : l'intensité ne retombe jamais.
Le solo central est construit selon le même schéma que celui de Berry, avec le fameux riff qui occupe les 4 premières mesures de chacun des trois cycles de 12 mesures.
Les deux tirés qui suivent ce riff aux deuxième et troisième cycles de solo sont tout simplement phénoménaux ! Le feed back qui est en embuscade décuple leur puissance.
Le solo final est l'occasion d'une dernière décharge rock'n'roll, avec un passage joué avec les dents en sus...
Un classique.
La version qui suit de "
Lover Man", issue du second concert donné à Berkeley, est particulièrement impressionnante. C’est un brûlot rock joué de façon carrée, où l’improvisation ne tient qu’une place réduite (la seconde partie du solo contient la traditionnelle partie "Vol Du Bourdon" jouée sur une seule corde). Avec un jeu plus dans la lignée de Tony Williams que d’un batteur de rock classique, Mitch Mitchell propulse la section rythmique au premier rang de ses contemporaines.
La troisième plage provient de la balance de Berkeley. Publié ici dans une version éditée, le classique de Carl Perkins est désormais disponible sur le coffret pourpre. Le destin discographique post mortem de ce titre est d'ailleurs surprenant : il en existe trois versions officielles alors que "
Blues Suede Shoes" n'a fait l'objet que d'une Jam informelle du Band Of Gypsys (que l'on retrouve sévèrement éditée sur "Loose Ends", puis entièrement remontée sur "Midnight Lighning") et donc de cette répétition lors de la balance des shows de Berkeley.
"Blue Suede Shoes" est d'ailleurs loin d'être le titre le plus enthousiasmant de "Hendrix In The West", mais il semble qu'un des critères retenus pour la compilation de ce recueil fut la rareté des titres (lors de sa sortie, l'album présentait ainsi 4 morceaux dont il n'existait aucune autre version dans la discographie Hendrixienne).
Dans le cadre d'une répétition, c'est un titre assez réussi, même si on est plus proche de la jam que d'un titre travaillé et destiné au grand public. Hendrix assure le service minimum en guitare rythmique lors des couplets ; il chante d'ailleurs plutôt bien (mais il ne chante pas tous les refrains).
Le solo de Jimi, d'un peu plus d'une minute, est un des plus rythmiques qu'il ait enregistré. Les nombreux tirés de Jimi rappelle eux sa langue maternelle : le blues.
Contrairement à la version officielle, il n'y a pas de fondu en fermeture : on entend la suite de la jam, qui tourne plus à la répétition. Billy Cox essaie de se caler sur les riffs de Jimi, qui joue quelques phrases mais ne développe rien : on comprend la décision d'éditer ce passage. Par contre, avec le recul, on peut trouver étonnant d'avoir publié officiellement ce titre...
Le dernier titre de la face 1 est peut-être ce que le rock a donné de mieux : à savoir la version définitive de "
Voodoo Chile (Slight Return)" jouée au Royal Albert Hall le 24 février 1969 par le Jimi Hendrix Experience. Tout est parfaitement en place, les échanges entre Mitch et Jimi relèvent par moment de la télépathie.
En comparaison, les versions d'un Stevie Ray Vaughan, aussi réussies soient-elles formellement, ne sont que de bien pâles copies.
La face deux s'ouvre sur les deux premiers titres joués par Jimi à l'Ile de Wight : "
The Queen", montrant là encore la capacité de Jimi à s'approprier un thème, puis le "
Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band" des Beatles. Les deux titres sont très courts, et relèvent plus du clin d'œil qu'autre chose.
La transition de Mitch Mitchell entre les deux titres est ici largement éditée : Alan Douglas n'a rien inventé.
Le troisième titre de la face nous renvoie au concert du Royal Albert Hall avec "
Little Wing", dont c'est là aussi la version définitive. Le génie Hendrixien est ici à son apogée : chant superbe, guitare rythmique lyrique à souhait, et un solo laissant sur place tous ceux qui s'y colleront par la suite.
Le dernier titre de l'album fut alors une révélation pour beaucoup : c'est la version de "
Red House" que l'Experience a joué à San Diego (et non à Londres ce coup-ci !) en 1969, autre monument Hendrixien. Non seulement Jimi est un immense bluesman, mais on l'entend ici transcender l'idiome, jouant avec une intensité et une liberté d'un autre monde : celui de John Coltrane et d'Albert Ayler. Jimi est à la fois 100 % authentique et à la pointe de l'avant-garde, portant le blues à son plus haut niveau d'expression.