Morning Symphony Ideas (2000) 1. Keep On Grooving
2. Jungle
3. Room Full Of Mirrors
4. Strato Strut
5. Scorpio Woman (Morning Symphony Ideas)
6. Acoustic Demo
Recueil de répétitions informelles et de démos embryonnaires,
Morning Symphony Ideas est le premier album publié par Dagger Records qui ne soit pas un Live. C'est aussi le troisième volume de la série.
Ignoré par la presse rock, l’album fut disque d’émoi de Jazz Magazine.
Anecdotique ? Non : révélateur du public auquel cet album est destiné. A savoir les amateurs d’improvisations libres (terme volontairement préféré à celui de free), et les fans hard core de Hendrix bien sûr.
A déconseiller au néophyte Hendrixien dont la culture se limite au rock ou au blues, à moins qu’il fasse preuve d’une grande ouverture d’esprit.
Une belle couverture.
On peut toutefois lui reprocher de prolonger l'ambiguïté du titre "Morning Symphony Ideas", qui illustre certes le morceau titre, à savoir "Scorpio Woman (Morning Symphony Ideas)", mais sans doute pas la majeure partie de l'album : la présence de Buddy Miles serait ici tout à fait justifiée.
L’album s’ouvre sur "
Keep On Groovin’" (28:05), duo Hendrix/Miles presque entièrement instrumental mélangeant aspects thématiques connus et improvisations.
Le choix du titre est malheureux : ce n'est pas le titre en devenir que Hendrix jouait Live parfois lors de "Voodoo Chile (Slight Return") ou "Midnight Lightning".
Mais c’est une plongée fascinante dans l’univers Hendrixien, où son génie guitaristique est servi à merveille par Buddy Miles, qui prouve ici que son style ne se limite pas au seul fait de jouer groove : son jeu est souvent éclaté, puissant mais nuancé, et en interaction permanente avec la guitare.
Sur cette jam, Hendrix évolue avec un son relativement clair, sans effet, et montre l’immense étendue de son savoir rythmique. Sa virtuosité éclate de manière indiscutable le long de cette demi-heure : cette plage peut servir d’objet d’étude à n’importe quel guitariste. Alternant passages groove, agressifs, méditatifs, le paysage sonore défile au gré des humeurs du guitariste…
Détail :
[0:08 - 5:46] Variations autour d’un riff de "Power Of Soul" (+ improvisations)
[5:46 - 8:10] Burning Desire
[8:10 - 8:37] Batterie
[8:37 - 10:48] Jeu en accords, court passage free, riffs
[10:48 - 15:02] Improvisation présente sur de nombreux boots (souvent sans la batterie), valse bluesy
[15:02 - 16:10] Proto-Gypsy Boy
[16:10 - 18:38] Hendrix crée le punk, avant de revenir à un climat plus calme (on se cherche un peu)
[18:38 - 20:28] Variations autour du thème de "Cherokee Mist"
[20:28 - 21:05] Passage flamenco
[21:05 - 22:09] Décollage du vaisseau spatial… puis atterrissage
[22:09 - 23:12] Riffs à la John Lee Hooker
[23:12 - 25:36] "Stepping Stone" (seul passage chanté), pont, puis shuffle, riff blues
[25:36 - 27:47] "Money"/retour à "Power Of Soul" (développement du riff en doubles croches)
[27:47 - Fin] Honeybed
Un collectionneur m'a fait parvenir les notes d'écoutes des bandes du Shaggy Dog Studios effectuées pour le compte d'Alan Douglas : l'hypothèse d'
overdubs sur la première plage a été émise au milieu des années 70 - restée sans suite.
"
Jungle" (9:04), est un autre duo Hendrix/Miles, plus recentré sur l’aspect thématique.
Deux suites entièrement instrumentales sont en fait proposées sur la même plage.
La première est peut-être le point d’orgue de l’album : on commence avec un thème simple, sur quelques accords, magnifié par le phrasé Hendrixien. "Villanova Junction" enchaînée sans pause, est le théâtre de contretemps véritablement savoureux.
La seconde suite est moins cohérente, mais propose là encore un aperçu intéressant de la manière dont travaillait Hendrix, répétant ses idées jusqu’à trouver sa perfection.
Détail :
[0:03 - 2:10] Jungle
[2:10 - 3:44] Villanova Junction Blues
[3:44 - 4:48] Variations proches du pont de "Message To Love"
Pause.
[4:53 - 6:12] Ezy Ryder (Riff du pont)
[6:12 - 7:31] South Saturn Delta
[7:31 - 7:52] Chromatismes
[7:52 - 8:22] Izabella (seules les dernières mesures sont clairement identifiables)
[8:22 - 8:41] Batterie
[8:41 - Fin] Come Down Hard On Me (Riff du break)
Suit une excellente version de "
Room Full Of Mirrors" (5:53), formidablement d’actualité maintenant que le rock ose s’affranchir de la basse. Ce dernier duo Hendrix/Miles est redoutable de puissance. Le riff obsessionnel sert le chant à merveille. Resserrée sur la seule chanson, la version serait remarquable. Une de mes versions préférées.
La suite est plus dans la veine du premier titre.
Détail :
[0:03 - 3:21] Room Full Of Mirrors
[3:21 - 5:11] Stepping Stone/Eléments thématiques/Improvisation rythmique
[5:11 - Fin] Message To Love (en conclusion : intro coupée de "Machine Gun")
"
Strato Strut" (4:38) est une démo du Band Of Gypsys se limitant à l’exploration d’un riff (sur une grille similaire à celle de "Villanova Junction"). Mais quel riff ! La rythmique Cox/Miles fonctionne à plein régime. Hendrix développe des traits purement rythmiques sonnant par moment comme une rythmique d’orgue Hammond.
Le titre traîne en longueur (ce n’est pas une improvisation, mais une démo de travail), mais le riff est suffisamment fort pour que Hendrix puisse conclure par "
Save that".
"
Scorpio Woman" (21:41)
Regroupées sur une seule plage, ce sont en fait différentes démos enregistrées par Hendrix à Maui en août 1970.
Si certains thèmes sont connus ("Midnight Lightning", "Race With The Devil"), l’écoute de la version embryonnaire de "Scorpio Woman" est passionnante : la composition promettait. Le jeu de Jimi est d’ailleurs suffisamment riche pour se faire une idée assez précise de ce qu’un tel titre aurait pu donner en groupe.
Sur d’autres passages, on entend Jimi improviser seul, sans contrainte : ce n’était certes pas destiné à une quelconque publication… mais entendre l’attaque de son médiator sur une guitare au son clair, dans son intimité n’est pas dénué de poésie. Dagger joue parfaitement son rôle.
Détail :
[0:00 - 6:21]
Scorpio Woman[6:21 - 8:44] Midnight Lightning
[8:44 - 11:03] Race With The Devil, jeu rythmique interrompu par le téléphone !
[11:05 - 14:56] Solo de guitare
[15:00 - 18:12] Titre inconnu. Un couplet est chanté à 16:36 en voix de tête (très belle)...
[18:13 - 21:40]...avant d’explorer en solo, puis d’improviser librement. Là encore interrompu par le téléphone…
Les notes de pochette font mention de "Heaven Has No Sorrow"… mais je n’ai pas reconnu le thème !
Enfin, "
Acoustic Demo" (1:08) permet d’entendre Jimi à la guitare acoustique.