Both Sides Of The Sky (2018)

Ce nouvel album studio succède à People, Hell And Angels (2013) annoncé, au moment de sa sortie, comme le dernier album studio posthume. Du coup, on ne l’attendait plus et on est très surpris d’apprendre que le nouvel album complète une trilogie entamée en 2010 avec Valleys Of Neptune. Voyons un peu quelles nouveautés nous valent la publication de ce «nouvel album dynamique» «comprenant 13 enregistrements studio réalisés entre 1968 et 1970 – dont 10 n’avaient jamais été publiés» (ma traduction du site officiel) !

Pour ce faire, rien ne vaut la bonne vieille méthode titre par titre. Le lecteur jugera ainsi par lui même si cet album contient autant d’inédits et si les titres retenus justifiaient ou non la sortie d’un album studio supplémentaire.

«Mannish Boy» (5:02)  - Record Plant, NY – 22 Avril 1969 – Hendrix, Cox, Miles
Cette nouvelle version du titre paru sur Jimi Hendrix : Blues (1994) constitue un hydride des standards «Mannish Boy» et «I’m a Man». Elle est extraite d’une session d’enregistrement très festive (au moins au début) avec des invité.e.s aux tambourins, percussion et cris divers (non présents sur le mixage présenté ici). Comme la précédente, cette version est un composite assemblant plusieurs parties de plusieurs prises pour en faire un produit qui, malgré tout ce travail, ne sonne pas tout à fait fini. Le bref solo qui commence vers 4:03 provient de la sixième prise que vous pouvez écouter ci-dessous. Au moins, ce dernier n’est, cette fois-ci, pas collé par dessus une autre piste (avec guitare rythmique). Que dire d’autre, sinon que les prises d’origine sont tellement peu abouties que même en sélectionnant les meilleures parties la plupart des couplets chantés sonnent très «brut de pomme».



«Lover Man» (3:03) - Record Plant, NY – 15 Décembre 1969 – Hendrix, Cox, Miles
Même s’il ne figure sur aucun des albums publiés par Hendrix de son vivant, ni sur les albums studio posthumes antérieurs à South Saturn Delta (1997), «Lover Man» est un titre fréquemment joué en concert et paru sur la plupart des albums live officiels. Experience Hendrix sort ici sa sixième version studio (en comptant l’album Dagger des répétitions du Band Of Gypsys et l’instrumental «Here He Comes»). Même si elle n’est pas exceptionnelle, cette version présente l’avantage de provenir d’une session entièrement inédite (même en bootleg). On peut penser que certaines coupures ont été réalisées pour rendre le titre plus concis (cf. notamment le raccord à 0 :39). S’il faut un point de référence, concédons que la version publiée sur le coffret pourpre présente l’intérêt d’être plus travaillée et arrangée.

«Hear My Train A Comin'» (7:26) - Record Plant, NY – 9 Avril 9, 1969 – Hendrix, Redding, Mitchell
Le cas de ce titre est assez similaire à celui de «Lover Man» : un morceau fréquemment joué en concert sans enregistrement studio officiel du vivant de Hendrix. Si, la première publication d’une version studio, hautement altérée, sur Midnight Lightning en 1975 ne laisse pas un souvenir impérissable, les six versions supplémentaires  parues depuis présentent toutes leur intérêt (deux versions acoustiques, quatre électriques), sans que l’une surpasse réellement les autres.
Pour la petite histoire, la fin de ce titre avait été utilisée par Alan Douglas dans une version jamais sortie officiellement qui combinait la première partie de la version parue sur People, Hell & Angels avec la fin de celle-ci. Une comparaison attentive de ce composite avec la version de Both Sides Of The Sky (à partir de 3:58) nous apprend que Kramer a été plus drastique que Douglas en retranchant deux parties (13 secondes à 5:13 et 13 autres secondes à 5:26). Après vérification, il n’y a pas de parties qui ne figurent pas sur le composite de Douglas, hormis les quatre premières minutes et trois secondes en fin de titre.

«Stepping Stone» (3:13) - Record Plant, NY - 14 & 18 Novembre 1969 – Hendrix, Cox, Miles
Cette nouvelle version du titre publié en single du vivant de Hendrix, puis, dans une version remaniée, sur War Heroes en 1972, constitue une rareté. C’est en effet une prise antérieure, enregistrée deux mois plus tôt, mais sur laquelle Hendrix avait jugé bon de réaliser des overdubs de guitare (quatre pistes selon Ultimate Hendrix) et de basse. Les arrangements sont très différent de ceux des versions déjà connues pour que l’on s’y intéresse. À l’écoute, on comprend toutefois pourquoi Hendrix a préféré repartir de zéro avec ce titre.

«$20 Fine» (5:13) - Record Plant, NY – 30 Septembre 30 1969 – Stills (or, vx), Hendrix (g), Mitchell (batt), Hitchings (pi)
«Woodstock» (5:19) - Record Plant, NY – 30 Septembre 30 1969 – Stills (or, vx), Hendrix (ba), Miles (batt)
Voici à présent, regroupés ensemble dans cette chronique pour des raisons évidentes, deux inédits … de Stephen Stills. Le premier était inconnu des collectionneurs, tandis que trois prises figurent sur différents albums non officiels. La version de «Woodstock» publiée ici est la troisième de ces prises et se présente sans bidouillage particulier (merci !).
Sur le premier titre («$20 Fine»), Hendrix est à la guitare et son jeu est assez réservé. Sur le second il est à la basse. Pas grand chose de plus à signaler.

«Power Of Soul» (5:55) - Record Plant, NY – 21 Janvier et 3 Février 1970 – Hendrix, Cox, Miles
Voici encore un titre du Band Of Gypsys et, une fois n’est pas coutume avec Both Sides Of The Skies, dans une version supérieure à celles publiées jusqu’à présent. Alors que la version publiée sur South Saturn Delta (1997) était censée restaurer entièrement les parties supprimées par Alan Douglas sur Crash Landing (1975), nous savions qu’elle restait incomplète. Elle présentait, en plus, les défauts d’une utilisation abusive d’effets sonores des années 1990 et d’un mastering à un niveau trop élevé. La version de Both Sides Of The Sky, qu’on nous promet mixée par Hendrix et Kramer le 22 août 1970, comprend le même décalage des guitares dans l’intro que la version de South Saturn Delta et sonne beaucoup plus proche de cette dernière que celle publiée sur la face B du d’une version limitée du single Somewhere (2013), qui était elle aussi un mix vintage, mais de février 1970. Elle est exempte des difficultés techniques présentes sur la face B du single Somewhere.

«Jungle» (3:28) - Record Plant, NY – 14 Novembre 1969 – Hendrix, Miles
Ce titre est une prise alternative et raccourcie (fondu en sortie) d’une jam instrumentale guitare / batterie sortie sur Morning Symphony Ideas (2000). La version publiée ici n’apporte rien de plus que la précédente qui était tout à fait à sa place sur Dagger Records, le label d’Experience Hendrix pour les fans absolus. On notera tout de même à 1:57 une citation de «Villanova Junction».

«Things I Used To Do» (3:41) - Record Plant, NY – 7 Mai 1969 – Hendrix (g, vx), Winter (g), Cox (ba), Taylor (batt)
L’histoire de ce titre n’est pas très différente de celle de «Mannish Boy» : une session avec des amis pour reprendre un standard du blues, ici un titre de Guitar Slim sorti en 1954. Quatre prises circulent parmi les collectionneurs, dont deux très courte. La dernière de ces prises avait déjà fait l’objet de deux sorties, dans des versions raccourcies et additionnées de commentaires par dessus la musique, sur Live and Unreleased: The Radio Show (1989) et sur Lifelines: The Jimi Hendrix Story (1990). Le problème de base avec ce titre est que l’enregistrement n’est pas de très bonne qualité, notamment la guitare de Hendrix qui grésille. Kramer a tenté ici de remédier à ce problème, mais même ProTools ne peut pas tout faire. De plus, la version qu’il nous propose se caractérise par pas moins de quatre coupures (à 1:02, 1:32, 1:43 et 3:15) dans des parties chantées et instrumentales.

«Georgia Blues» (7:55) - Record Plant, NY – 19 Mars 1969 – Youngblood (vx, sax), Hendrix (g), Mayes (batt), Andersen (ba), Winfield (or)
Ce titre est identique à celui paru en 2003 sur la compilation Martin Scorsese Presents The Blues. Hendrix ne chantant pas sur ce titre, sa parution sur un album officiel comme Both Sides Of The Sky ne semble pas plus appropriée que celles de «Baby Let Me Move You» et «Mojo Man» sur People, Hell and Angels (2013). Notons tout de même que la contribution de Hendrix sur ce titre est un peu plus consistante que sur les deux exemples sus-cités (très beau solo).

«Sweet Angel» (3:55) - Olympic Studios, London – 28 Janvier 1968 – Hendrix, Mitchell
Et revoilà «Angel», un autre des titres jamais réellement terminés par Hendrix. C’est probablement la raison pour laquelle nous avons droit ici à une nouvelle démo après celles de South Saturn Delta (1995) (deux versions dont l’une titrée «Little Wing») et de West Coast Seattle Boy: The Jimi Hendrix Anthology (2010). Sur celle présentée ici, Jimi joue de la guitare, de la basse et, selon les notes de pochettes, du « vibrophone » (je dirais plutôt du xylophone). En dépit des overdubs, cette version instrumentale reste une démo, tout de même agréable à écouter. Et je remercie les producteurs de n’avoir pas essayé d’ajouter une piste de chant d’une autre prise.

«Send My Love To Linda» (4:37) - Record Plant, NY – 16 Janvier 1970– Hendrix, Cox, Miles
Ce titre constitue le cinquième du trio et Hendrix, Cox, Miles et même le septième avec Buddy Miles à la batterie, soit plus de la moitié de l’album. Une seule session a été consacrée par Hendrix à ce morceau. Les collectionneurs connaissent depuis longtemps les trois prises en solo et les cinq prises en groupe (dont la plupart ne durent guère plus d’une minute) durant lesquelles Hendrix joue également le thème de «Live And Let Live»,  un titre enregistré dans la même configuration que la version de «Woodstock» dont on parle plus haut. Une prise d’une durée d’1 min. 22 figurait sur Live and Unreleased: The Radio Show (1989) et Lifelines: The Jimi Hendrix Story (1990). On retrouve ici cette même prise, précédée d’une introduction de guitare avec univibe que l’on croirait sortie de l’hybride «Captain Coconut» paru sur Crash Landing (1975) et suivie d’une partie d’une autre prise solo, puis de fragments des prises en groupe qui interviennent après une transition particulièrement sauvage. Il y a bien plus de bricolage ici que l’assemblage de trois pièces différentes que John McDermott admet dans les notes de pochette. L’utilité d’un tel montage et sa publication sur un album «grand public» sont particulièrement discutables.

«Cherokee Mist» (7:01) - Record Plant, NY – 2 Mai 1968 – Hendrix, Mitchell
Une version très raccourcie (2:19) de cet instrumental avait déjà été publiée sur Live and Unreleased: The Radio Show et Lifelines: The Jimi Hendrix Story (1990). Le titre date des sessions pour l’album Electric Ladyland (1968). Le contenu de la version proposée ici est exactement le même que celui de la version la plus complète que connaissent les collectionneurs (donc sans bidouillage moderne, merci encore !), mais le mixage est nettement meilleur, surtout à partir du milieu du titre. Le morceau assemble du sitar et différentes pistes de guitare (son clair, saturé, wah-wah et surtout du feedback). C’est un peu une peinture sonore pas forcément accessible à la première écoute, mais on y prend goût.
À noter qu’il y a aussi une version de «Cherokee Mist» sur le coffret pourpre, mais il s’agit d’une jam et non d’un morceau structuré et arrangé comme celui présenté ici. En bref : une parution attendue de longue date.


En conclusion, la parution de cet album constitue peut-être une bonne opération commerciale. Les fans insatiables seront ravis de trouver des versions définitives de «Power Of Soul» et de «Cherokee Mist». Ils écouteront avec plaisir «Hear My Train A-Comin’», «Georgia Blues», «Sweet Angel» et peut-être même «Lover Man» (s'ils apprécient le jeu Buddy Miles). Pour le reste…
Vivement les albums live !

Grand merci, Sequelenoise!

upfromtheskies a écrit:

Grand merci, Sequelenoise!

Un immense merci ! Toujours aussi passionnant.

sequelenoise a écrit:

«Mannish Boy» (5:02)  - Record Plant, NY – 22 Avril 1969 – Hendrix, Cox, Miles (...)

Elle est extraite d’une session d’enregistrement très festive (au moins au début) avec des invité.e.s aux tambourins, percussion et cris divers (non présents sur le mixage présenté ici).

Tu pratiques l'écriture inclusive ?

sequelenoise a écrit:

cette version est un composite assemblant plusieurs parties de plusieurs prises pour en faire un produit qui, malgré tout ce travail, ne sonne pas tout à fait fini. (…) Que dire d’autre, sinon que les prises d’origine sont tellement peu abouties que même en sélectionnant les meilleures parties la plupart des couplets chantés sonnent très «brut de pomme».

Tu résumes parfaitement l’affaire : que de travail pour une seule plage !... qui n’est pas des meilleures. Le matériel d’origine a ses limites : on les retrouve forcément sur tous les montages. Globalement, je trouve cette version plus convaincante que celle de Blues. De la à publier ça en 45 tours…

sequelenoise a écrit:

«Lover Man» (3:03) - Record Plant, NY – 15 Décembre 1969 – Hendrix, Cox, Miles
Même s’il ne figure sur aucun des albums publiés par Hendrix de son vivant (…)

Après la mort de Jimi, les producteurs ont pu estimer que le "Rock Me Baby" publié sur le Historic Performances Recorded At The Monterey International Pop Festival était le même titre – en 1970/1971, les critères de nouveauté étaient infiniment plus drastiques qu’aujourd’hui. Juste une hypothèse.

sequelenoise a écrit:

S’il faut un point de référence, concédons que la version publiée sur le coffret pourpre présente l’intérêt d’être plus travaillée et arrangée.!

C’est tout le problème du manque de vision à long terme des producteurs. On a des titres de premier ordre qui se retrouvent sur un Dagger ou un coffret tandis que les albums d’inédits proposent des versions nettement inférieures. Le catalogue n’a aucune cohérence artistique – ce que l’approche non chronologique renforce grandement. A ce stade, la seule solution serait de tout reprendre à zéro – l’occasion pour ceux qui prendront la suite de Sony de faire un sacré business pour le coup !

sequelenoise a écrit:

«Hear My Train A Comin'» (7:26) - Record Plant, NY – 9 Avril 9, 1969 – Hendrix, Redding, Mitchell.

Plage qui, malheureusement, illustre à merveille mon développement précédent : quelle est la cohérence d’un catalogue où chaque album d’une trilogie de pacotille (c’est la trilogie des producteurs – voire de leurs conseillers en communication, pas celle de Jimi) présente la MEME composition. « En même temps », c’est le titre qui sauve tous ces albums, et enchante tous les fans hardcore.

sequelenoise a écrit:

«Stepping Stone» (3:13) - Record Plant, NY - 14 & 18 Novembre 1969 – Hendrix, Cox, Miles
À l’écoute, on comprend toutefois pourquoi Hendrix a préféré repartir de zéro avec ce titre.

Oui – et c’est tout le problème. Cette version avait sans doute sa place sur un coffret 4 CD… mais elle offre ici aux nouvelles générations une version de travail LOIN d’être aboutie. L’athéisme a ses vertus : au moins, je n’imagine pas Jimi se retourner dans sa tombe.

Autre point : tu penses que c’est Cox à la basse ?

sequelenoise a écrit:

«$20 Fine» / «Woodstock» (5:19) - Record Plant, NY – 30 Septembre 30 1969 – Stills (or, vx), Hendrix (ba), Miles (batt)
Voici à présent, regroupés ensemble dans cette chronique pour des raisons évidentes, deux inédits … de Stephen Stills.

Business is business. Ces sessions ont été produites par Jimi – ce qui explique pourquoi, 50 ans plus tard, les titres enregistrés à cette occasion sont publiés sous le nom de Jimi Hendrix – alors qu’il a ici un rôle de simple accompagnateur. Sur un coffret : why not ? Sur un album inédit de Jimi Hendrix…

L’explication est rigoureusement la même pour "Georgia Blues" – sauf qu’en l’espèce, les vieux de la vieille du forum ont acheté une seconde fois un titre qu’il avait déjà en leur possession.

sequelenoise a écrit:

«Power Of Soul» (5:55) - Record Plant, NY – 21 Janvier et 3 Février 1970 – Hendrix, Cox, Miles
«Jungle» (3:28) - Record Plant, NY – 14 Novembre 1969 – Hendrix, Miles
«Sweet Angel» (3:55) - Olympic Studios, London – 28 Janvier 1968 – Hendrix, Mitchell

La problématique de ces trois plages est identique : en quoi font-elles sens dans le catalogue hendrixien ? La publication de ce mixage de "Power Of Soul" est trop tardive – c’est sur South Saturn Delta que cette version avait sa place. Les deux autres plages sont très intéressantes – mais qu’est-ce qui justifie que ce type de matériel (Dagger ou coffret) se retrouve sur une publication mainstream ?

Je te trouve un peu dur avec "Things I Used To Do" : malgré les cuts, on retrouve le feeling de la séance. La frankensteinisation est tout de même moins poussée que sur la première plage.

Pour ce qui est de "Send My Love To Linda" et "Cherokee Mist" : ayant milité pour leur publication officielle par le passé,  je ne peux que m’enthousiasmer de leur présence ici. Malgré cela, il est difficile de se réjouir pleinement du montage de "Send My Love To Linda", dont les approximations devraient (peut-être) inciter certains à prendre leur retraite.

Félicitations sequelenoise

YM

D’un point de vue strictement musical il y a des problèmes sur ces morceaux. Pas étonnant puisqu’il s’agit de morceaux non définitifs, mais de ce que je qualifie de « brouillons », tout simplement de « prises », de tentatives plus ou moins fructueuses (moins, dans la plupart des cas). On ne peut pas tout corriger. Il y a des choses qui ne vont pas dans les tempos, des plans rythmiques à la guitare, des baisses de niveaux d’intensité, des problèmes d’intonation, de chant, etc. Sans compter qu'il y a des idées qui n'aboutissent pas, il y a un manque de "focus", de clarté d'expression quelquefois.
Sur Lover Man cette coupure à la 39e seconde est horrible ! On ne comprend plus la rythmique, ce que fout Buddy Miles. C’est criminel. Je me demande ce qu’en pense Billy Cox.
Sur Hear My Train A Comin’ qui semble pourtant faire l’unanimité, Mitch Mitchell freine par moments ou « accélère » pour se rattraper, mais fatigue après 3:28. Il me semble qu’il y a une coupure à 2:04 au début du solo ; une autre à 5:39 et une autre à 6:15 (le solo d’Hendrix est amputé lors de l’échange traditionnel avec Mitch). Qu’en pense Sequelenoise ?

Thierry Peremarti a écrit:

Qu’en pense Sequelenoise ?

C'est bizarre, c'est comme si tu t'attendais à des titres absolument parfaits.

YM

Mais Yazid on les vend comme s’ils étaient parfaits !
En ce qui me concerne, je ne m’attends pas du tout à ce qu’ils le soient. Au contraire, je sais que plus ça dure plus ça sera pire, plus on raclera les fonds du tonneau (et on republiera les mêmes trucs différemment comme c’est déjà le cas) à l’aide des outils technologiques du jour. Seulement ça ne marche pas. On aurait pu publier ces pistes comme on l’a fait pour Charlie Parker, ou Billie Holiday, etc. en les gardant dans leur état, avec les faux départs, les gourances des uns et des autres. Mais voilà, il s’agit une fois de plus d’un maquillage, pour des raisons mercantiles.
Je ne m’attends à rien avec Hendrix. Mis à part quelques trucs live. Le RAH si possible dont on parle depuis 50 ans. Depuis Cry of Love il n’y a plus de morceaux inédits parfaits. C’est le problème avec Hendrix une carrière d’à peine 4 ans où il a joué plus ou moins les mêmes titres. On a la chance qu’il a travaillé d’arrache-pied. De fantastiques créations en 4 ans et une poignée d’albums. Mais la brièveté de sa carrière empêche toute « bonne » résurrection thématique, ou autre. Les producteurs sont forcés de tourner en rond, de se répéter et de maquiller le tout pour faire croire à du neuf.
A vrai dire, je suis plus concerné par le contenu réel de sa musique, et pas par la mise en boite. A moins que des rustines (comme celle sur Lover Man) viennent gêner mon audition. Ce qui m’intéresse chez Hendrix c’est ce degré extrême de l’intuition, du goût, cette liberté d’expression, cette absence d’autocensure où justement toutes les notes sont permises ; cette appréhension d’un monde sonique très personnel, unique et forcément très original. Je vais te choquer, mais il ne m’intéresse pas vraiment en temps que guitariste ! Car il est au-delà de ça, sur un instrument qui lui est complètement acquis, incorporé à son expression. Il est « son », avant tout. Je suis plus fasciné par la manière dont il se lit, que par la lecture qu’il fait à la guitare.

@Ayler
L'écriture inclusive: ça m'arrive de temps en temps et ici c'était le moyen de souligner la très rare présence de personnel féminin dans les sessions. Il me semble qu'à part Carol Kaye, Emaretta Marks et les Ronettes (Veronica Bennett, Estelle Bennett, Nedra Talley), on n'ait pas d'autres collaborations attestées.

Stepping Stone: pour la peine j'ai repris l'information des notes de pochettes, mais comme c'est un overdub ça pourrait être Jimi lui même. Dans tous les cas, la basse de la version précédente, jouée par Cox, est nettement meilleure.

@Thierry Peremarti
Magnifique post ci-dessus!
Pour les coupures, il y en a en tous cas deux dans la partie commune avec le composite de Douglas, après il peut aussi y avoir des coupures de Douglas reprises par Kramer. Pour celui au début du solo c'est tout à fait possible, il y a comme une rupture dans la batterie.

Thierry Peremarti a écrit:

Hear My Train A Comin’ qui semble pourtant faire l’unanimité

Quand l'addiction est là, on peut se contenter d'un produit coupé, de moindre qualité...

Thierry Peremarti a écrit:

Depuis Cry of Love il n’y a plus de morceaux inédits parfaits.

Dans la foulée, on peut tout de même relever "Bleeding Heart", "Drifter's Escape" ou même "Come Down Hard On Me Baby".

Les derniers morceaux très aboutis sont parus sur Crash Landing (la seconde version de "Stone Free", "Message To Love" et "Power Of Soul"... mais dans des versions dénaturées). S'ils n'avaient pas déjà été tous les trois publiés du vivant de Jimi, nul doute que ces titres seraient sortis bien avant. Cela démontre bien que, dès 1974, Alan Douglas avait une connaissance très fine du matériel disponible - et qu'on avait dès cette époque fait le tour des compositions vraiment inédites dont l'enregistrement était bien avancé. De ce point de vue, le "Lover Man" du coffret pourpre est une exception.

Bravo en tous cas pour cette chronique qui redonne un peu de baume au cœur face à la vacuité de ces sorties...
Dire qu'à côté de ça, la Family est passée à côté des cinquante ans de Are You Experienced et Axis: Bold as Love, disques qui ne bénéficient même pas d'éditions (et surtout de son) dignes de ce nom. Désespérant. Passons aux live et pas n'importe lesquels. On veut du L.A Forum, du San Diego, voire du Newport.

@sequelenoise merci, et merci pour cette analyse chirurgicale.

@Ayler Les productions de Alan Douglas ? Avec les musiciens de studio rajoutés 5 ans après la mort d'Hendrix ? C'est justement avec ce "Crash Landing" que ça commence à être inacceptable d'un point de vue éthique. Et dans la foulée, quelques mois plus tard le "Midnight Lightning" : idem.
Dès 1974 Douglas avait compris que toutes ces bandes n'étaient pas publiables en l'état (qu'Hendrix lui-même le savait très bien et qu'elles ne le seraient pas de son vivant) et qu'il convenait de les "améliorer", d'effacer telle piste, d'en faire rajouter d'autres, de procéder à d'autres modifications, etc. tout ça afin de rendre le produit musicalement acceptable, à l'audition. Encore aujourd'hui, plus de 40 ans après on subit les contrecoups du maquillage d'Alan Douglas, ses effets, ses répercussions. Aujourd'hui, la tambouille est un peu moins malhonnête, c'est vrai, mais elle est toujours sujette à caution, car dans l'esprit il n'y a guère de grande différence avec les transformations d'Alan Douglas. Elles ont en commun une lisibilité défaillante, un manque de transparence, dont le grand public se fout, certes, mais qui n'est pas acceptable pour le musicologue, l'amateur passionné, et le fan invétéré de Jimi Hendrix, dont je suis. Juste mon opinion.

Il y a méprise complète - et je t'invite à lire mes chroniques ou Le rêve inachevé pour t'en convaincre. Je souligne simplement que les enregistrements de ces trois compositions étaient très avancés - voire terminés. Je note que Douglas les a publié dès 1975 dans des "versions dénaturées" - montrant par là uniquement que ce matériel était connu en 1974 - il l'était sans doute bien avant. Il est évident que les versions ultérieures de ces trois chansons publiées par Janie & Co sont infiniment supérieures. Contrairement à ce que tu écris, il n'y avait nul besoin de les "améliorer". Il suffit de les comparer pour s'en convaincre aussitôt. Attention : ce n'est pas toujours le cas des autres titres de ces deux albums ("Somewhere" et "Gypsy Boy" illustrent en effet parfaitement tes propos).

J'avais bien compris. On n'est pas d'accord sur le fait que les morceaux que tu cites étaient "voire terminés" (pour moi ce n'est qu'une supposition surtout quand on sait que JH voulait toujours en rajouter) et aussi que les versions ultérieures par Janie & Co. sont "infiniment supérieures". Ce n'est pas mon avis pour les raisons que j'ai données. Au moins je suis d'accord avec toi, il n'y avait pas raison de les "améliorer" comme Douglas l'entendait. Je crois qu'on peut dire que les versions de Douglas ne sont pas dénaturées mais complètement tronquées.

Both Sides Of The Sky Sony 9075.81419-2 made in Germany (P)9 mars 2018 stereo

Livret

Bonjour à tous, je remercie Sequelenoise pour sa chronique analytique,

J'interviens un peu tard dans le débat sur le dernier album studio sortie par Janie, mais je tiens à ajouter mon petit grain de sel.
Ce que je trouve regrettable, au fond, c'est d'avoir décidé de sortir coup sur coup trois albums studios. En gardant le matériel le plus intéressant de Valleys, PH&A et Both Sides of the sky, Experience Hendrix auraient pu remplir un album simple de bien meilleur tenue et plus respectueux de la mémoire du guitariste. Le matériel restant aurait été plus à sa place dans un ou deux Dagger Record. Cela aurait été sûrement moins profitable commercialement mais aurait épargné aux amateurs cet impression de "sauce trop délayée"...

Ayler a écrit:

Par ailleurs, par curiosité, va voir la chronique de War Heroes publiée par Rolling Stone à sa sortie !
Upfromtheskies a écrit:

Celle de Rock & Folk est assez saignante aussi: https://jimihendrix.forumactif.org/t514-war-heroes-1972

Je n'ai plus acheté de disques studio après Rainbow Bridge. Pour moi, c'était la fin de la voix originale et véritable de Jimi. Quand j'ai vu que Highway chile était sur War Heroes, ça m'a écoeuré: je l'avais depuis bien 3 ans sur mon Greatest Hits de chez Barclay, tu parles d'un original! C'est ce genre de truc qui prouvait qu'il fallait remplir, sans scrupule. Alors quand les re-recording d'Alan Douglas sont arrivés, je n'ai même pas voulu les écouter.

Purple Jim a écrit:

Tu sais que "Highway Chile" était inclut parce que ça n'avait pas été sorti aux Etats-Unis à l'époque.
Donc, t'es passé à côté de Bleeding Heart, Izabella, Stepping Stone, Tax Free, Mignight et Beginning ???
Tu n'avait pas acheté Nine To The Universe? Ou Hear My Music? Ou Burning Desire?

Je réponds à Purple Jim:

Mon avis est celui d'un type qui, comme beaucoup d'autres, ramait pour économiser sur son argent de poche en vue d'acheter des disques, en particulier ceux de Jimi. Relis la chronique de l'album d'Ayler: deux ovnis sans intérêt (PeterGunn/Catastrophe et 3 little bears), un morceau connu de l'epoque AYE ( Highway child). 3 morceaux sur 9 inutiles. Ca fait cher de la minute de Jimi. Rien à voir avec Cry of Love et Rainbow Bridge, où tout est nouveau et tout est excellent. Donc il y avait d'autres nouveautés à acheter à la place de War Heroes (Soft Machine, Deep Purple, Pink Floyd ...), et à écouter en entier comme les Hendrix déja parus. Donc pas acheté non plus les 3 que tu as nommés. Ecouté chez les copains, mais pas acheté: pas les moyens. Quand sont arrivés les CD, j'avais de l'argent, j'ai pas mal acheté (First Rays et d'autres), mais pas ceux-là. Je n'ai de loin pas tout à la maison.

Pour ce qui est de l'inclusion de Highway Chile non publié aux USA, ils auraient pu faire une version européenne avec un autre titre, comme il a été fait pour AYE et Smash Hits. Sur Rainbow Bridge, il y avait déjà un titre de l'Experience (Look over yonder), j'avais déjà tiqué, mais au moins c'était un inédit, même si ça faisait clairement titre écarté (et donc considéré comme moins intéressant*) et remis en selle uniquement  à cause du décès de Jimi. Jamais Hendrix n'aurait sorti à nouveau Highway child, même remis à neuf: il n'a jamais fait ça.

Ça fait un peu long pour une question pas forcément importante. Mais il ne faut pas oublier que si depuis un bon moment, la musique n'est pas chère (au détriment des musiciens, d'ailleurs), elle l'a longtemps été.

Pour conclure sur BSOTS, je suis de près l'avis de Thierry Peremarti.

*(Wikipedia): La face deux s'ouvre avec Look Over Yonder, un inédit de l'Experience enregistré le 22 octobre 1968 aux TTG Studios. Bien qu'enregistré après la publication d'Electric Ladyland, ce titre semblait destiné aux oubliettes : on ne le retrouve sur aucune des listes de Jimi Hendrix. Ni dans ses interviews. Et le titre n'a fait l'objet d'aucune tentative en concert.

Oui Upfromtheskies, chat échaudé craint l’eau froide. Je me souviens d’avoir 18 ans en 1975, 20 francs d’argent de poche par mois, avec lequel il fallait bien acheter Rock & Folk, ou Best ou Extra, et faire des économies pour acheter un 33 tours de temps à autre. J’avais acheté à prix fou le Cry of Love à la Fnac (disques taxés à 33% car produit de luxe !). Lu que le prochain –Crash Landing- serait formidable (pardi 400 heures soi-disant de bandes inédites !) donc acte. Et puis quelques mois après les premiers articles rectifiant le tir, annonçant la supercherie. On avait écouté pendant des heures, seul dans sa chambre maculée de posters du héros, et religieusement, un truc joué par des musiciens qui n'avaient même pas connu notre Jimi ! Faut l'avoir vécu pour comprendre. Effectivement, depuis le début donc on se méfie.

Merci pour cette chronique et les échanges très intéressants qui ont suivi. Je fais partie des très frileux concernant cette sortie.

Titi a écrit:

Merci pour cette chronique et les échanges très intéressants qui ont suivi. Je fais partie des très frileux concernant cette sortie.

+1.
Par ailleurs, j'ai pris pour me faire plaisir le 45 tours (qui tourne à 33) Mannish boy / Trashman (issu de "Hear my music de 2004!) et je crois que j'en resterais là pour mon investissement dans ce "nouvel album d'inédits vendu comme étant meilleurs que les 2 précédents mais qui sera moins bien que le prochain..."

Non mais sérieusement, il y avait la possibilité (malgré les bidouilles) de faire un très bon album simple (où à la rigueur un double avec sur le second cd les nouvelles versions de titres déjà archi connus) et là j'ai l'impression que les quelques bons moments sont ultra dilués au milieu de choses pas abouties.

Alors certes on a déjà eu par le passé des exemples d’œuvres inachevées terminées par d'autres pour le meilleur (par exemple dans un autre genre le requiem de Mozart fini par son élève Sussmayr ou Lulu de Berg complété par Boulez et Chérrau) mais il y a des fois il faut savoir reconnaître ses limites et lâcher l'affaire.

La conception opportuniste de cette "trilogie" n'est pas à l'honneur de ces producteurs...

Je ne suis même pas sûr qu'on arrive à en tirer un album simple qui tienne la route. Un maxi 45 T peut-être ?
"Hear My Train" [PHAA]
"Crying Blue Rain" [VON]
"Cherokee Mist" [BSOTS]
"Easy Blues" [PHAA]

On trouverait même plus de titres pour faire un spécial Frankenstein:
"Stone Free" [VON]
"Valleys Of Neptune" [VON]
"Ships Passing Through The Night" [VON]
"Somewhere" [PHAA]
"Crash Landing" [PHAA]
"Mannish Boy" [BSOTS]
"Send My Love To Linda" [BSOTS]

La compil "Jimi Guest Musician"
"$20 Fine" [BSOTS]
"Georgia Blues" [BSOTS]
"Woodstock" [BSOTS]
"Let Me Move You" [PHAA]
"Mojo Man" [PHAA]

Etc., etc., etc.

La trilogie soulève à mon sens deux questions :
1) Y avait-il assez de matière, avec ces trois CD, pour en produire un vraiment costaud ? Sous cet angle, le fait que "Hear My Train" constitue systématiquement l'un des points forts de ces disques limite malheureusement grandement les options...
2) A défaut de qualité, avait-on assez de matière pour présenter un vrai album d'inédits - où la rareté serait le critère déterminant ? Certaines compositions répondent à ce critère - et c'est souvent plus le montage élaboré par Kramer qui pose question que le matériel musical en lui-même.

Le disque a dépassé les 10000 exemplaires en France (ventes digitales incluses).

YM

Pour Sony c'est un bon score ?

Ayler a écrit:

Pour Sony c'est un bon score ?

Bonne question Ayler car ce chiffre jeté comme ça en pâture peut être mal compris !

10000 c'était l'objectif en fait. "Valleys of Neptune" avait vendu 40000 ex, "People Hell and Angels", 20000.

J'ai toujours pensé que le dernier de la "trilogie" était le meilleur mais le (grand) public doit finir par se lasser de toutes ces sorties qui s'enchaînent en mettant à chaque fois en avant des inédits.

Tout en sachant que le chiffre de 10000 ventes en 2018 pourrait correspondre à 30 ou 40000 y'a une vingtaine d'années.

Je n'ai pas les chiffres pour le monde.

YM

Effectivement, rétrospectivement, celui-ci est le « meilleur » de la trilogie pour les morceaux déjà cités au-dessus. Deux ans après, on en est toujours resté aux 10000 exemplaires vendus ?

Le niveau des ventes de disques est véritablement affligeant. Même Ange vendait 30000 à chaque sortie, et Christian Décamps est loin d'avoir fait fortune...

Blague à part, l'introduction de Power of Soul est tout bonnement superbe !