"Le jour où Hendrix brûla sa guitare pour la première fois" par Keith Altham :Le malicieux petit pyromane qui dit à Jimi Hendrix de mettre le feu à sa guitare ? Oui, c'est bien moi. Trente-trois ans passés dans l'industrie du disque. Une décennie comme journaliste dans la presse musicale, et deux autres en tant que R.P. pour des gens comme les Rolling Stones, les Who et Sting. Et pourtant mon seul titre de gloire reste celui-ci : avoir été celui qui incita Jimi à embraser sa hache. Merde, ça aurait pu être pire.
On m'a immortalisé en noir et blanc. A la page 114 de
Scuse Me While A Kiss The Sky de David Hendersen, à la page 47 de
Are You Experienced ? De Noël Redding, et à la page 45 du respectable
Crosstown Traffic de Charles Shaar Murray. Si c'est écrit dans les livres, c'est que ça doit être vrai. Petite Razzia dans les souvenirs. Comme dit le proverbe, « quand les faits ne correspondent pas à la légende, publiez la légende ! »
L'origine de la guitare enflammée remonte au 31 mars 1967, au Finsbury Park Astoria (qui fut plus tard rebaptisé le Rainbow ) quand un producteur doté d'un sens de l'humour approximatif programma le plus grand guitariste de rock que le monde est jamais connu avec les Walker Brothers, Cat Stevens et - que dieu nous pardonne – Engelbert Humperdinck. Jimi était au bas de cette affiche incongrue.
Je m'étais déjà retrouvé associé au grand dieu de la guitare un an plus tôt, lorsque son manager, Chas Chandler, me joua quelques cassettes et démos et essaya de me recruter afin que je balance le nom de son protégé dans les colonnes de magazines pour ados, comme Rave, Faboulous et Look Now.
J'ai rencontré l'homme au look sauvage de Bornéo en septembre 1966 au bureau de son manager à Gerrard Street dans le quartier de Soho. Il débarqua comme Whispering Smith, le détective du Far West. On comprenait cependant vite que Jimi, malgré sa timidité, dissimulait un sens de l'humeur ravageur.
De nombreuses légendes naquirent en 1966. J'étais derrière le goal quand Hurst marqua son triplé a Wembley et que l'Angleterre gagna la coupe du monde de football.
Par pure coincidence, je me suis retrouvé le mois dernier dans les rues de mon village natal, Ewell, derrière nul autre que Kenneth Wolstenholme, le journaliste au visage rougeaud qui commenta il y a trente ans ce match de légende à la télévision. Je voulais lui demandé ce qu'il avait ressenti en commentant le dernier des trois buts qu'inscrit Hurst, mais c'était il y a si longtemps. Ce sont des questions à poser sur le moment.
Tout comme j'aurais voulu demandé à Jimi pourquoi diable il ne c'est pas rendu au rendez-vous qu'il avait la veille de son décès avec Chas pour le réengager en tant que manager. Sa lui aurait peut-être sauvé la vie. J'avais réalisé sa dernière interview pour une émission de Radio One intitulée Scene and Hear, dans la chambre 507 de l'hôtel Cumberland, a peine 3 jours avant sa mort le 18 septembre 1970. Il avait écrit sa propre épitaphe quelques années plus tôt :
« A ma mort, je veux juste que les gens écoutent ma musique et se déchaînent. Qu'ils fassent simplement ce qui leurs plaît. »Les légendes ne débarquent jamais de nulle part. Jimi avait déjà été musicien de studio aux Etats-Unis pour des artistes comme les Supremes, Slim Harpo, Jackie Wilson, les frères Womack et Sam Cooke. Durant l'année 1965, il tourna dans les groupes des Isley Brothers et de Little Richard.
Lors de notre première interview pour le compte de magazines pour ados, Jimi me raconta quelques anecdotes à propos de vieux rockers pour lesquels il avait travaillé. Il avait ainsi été viré par Little Richard l'année précédente pour avoir porté une chemise trop clinquante.
« Il s'est retourné dans c'est habits de soie et de satin, porta un regard sur ma chemise à dentelles et dit : « Merde il n'y a de la place que pour un seul beau gosse sur cette scène, et je suis la pour rester – t'est viré ! » Richard me réengagea le jour suivant après que j'ai revendu la chemise. »Une année après, Jimi avait mis dans sa poche la plupart des rockers habillés de paillettes, puisque les Beatles, les Stones, les Who et nos petits princes anglais de la guitare – Page, Clapton, Beck et Townshend – tombaient a c'est pieds au Speakeasy, au Bag O'Nails et au Marquee, les clubs Londoniens dans lesquels il se produisait.
J'ai vu Clapton l'inviter sur la scène du Ronnie Scott pour un jam avec Cream, lors de laquelle Clapton s'absenta au milieu d'un morceau, pour s'esquiver dans les loges au sous-sol. Chas Chandler lui courut après pour s'assurer que quelque chose ne l'avait pas dérangé, et le trouva en train de se prendre la tête entre les mains, seul dans sa loge.
Il regarda Chas et lui dit :
« Espèce de connard ! Tu ne m'avais pas dit qu'il était aussi bon que ça ! »Après quelques mois a Londres, Jimi s'était affublé de certains artifices vestimentaires les plus exubérants qu'il avait vu portés par Little Richard. Au boa flamboyant et au bandeau, apanages de son anciens employeur, il ajouta une veste militaire de la guerre de Crimée, des pantalons rouges serrés et une touche psychédélique composés de rubans bariolés et de médailles. Un tabloid Anglais avait déclaré qu'il insultait l'armée Britannique en portant cette veste sur scène. Il m'en parla plus tard lors d'une interview :
« La veste est un pan d'histoire, et, qui sait, peut-être que le soldat qui la porté est mort en défendant sont pays. Ils aimeraient que sa veste moisisse à l'abri des regards, pendus dans un placard. J'honore sa mémoire en la portant. »Jimi fut plus tard mortifié d'apprendre que la veste appartenait à une unité non combattante de chirurgiens vétérinaires, mais il finit par ce dire que c'est hommes chargés du soins des ânes qui tiraient les canons ne pouvait être foncièrement mauvais. Ceux-ci avaient littéralement écopé du
« Côté merdique des choses ». Conclut-il.
C'était quelques singles plus tard, au printemps 67 que cet agent avait eu l'idée de génie de réunir au sein de la même affiche les talents extraordinairement divers des Walker Brothers, de Cat Stevens, d'Englbert et de Jimi. L'Astoria était la première soirée de la tournée, et Chas Chandler, le tour manager Gerry Stickles, Jimi et moi-même étions dans les loges à conspirer afin de détourner un peu de l'attention médiatique qui se déversait sur les Walker Brothers, les sensations du moment qui occupaient le haut de l'affiche.
Scott Walker avait la cote la plus élévée qui soit chez les jeunes filles en fleurs et possédait le genre de physique avantageux qui permit le lancement de milliers de magazines destinés au adolescents.
« Mince à chaque fois que je rencontre se garçon, il a l'air si malheureux que j'ai envie de l'embrasser pour qu'il se sente mieux. » Jimi me raconta ses premières impressions de ce phénomène tourmenté pour teenagers.
« Mince, il est plus beau que cette peluche d'Engelbert. »Son impression d'Engelbert s'était en partie faite après avoir assisté à une répétition réalisée en smoking par ce dernier. Suite a cela, Jimi émit l'opinion qu'Engelbert avait le charisme et la présence scénique d'un pingouin géant.
Il lui restait à faire la conaissance de Cat Stevens qui, avant même sa période prophétique, parvenait déjà à repousser les journalistes à vingt mètres de distance avec ses tentatives pour imputer un sens politique profond à ses chansons « Matthew and Son » ou « I Love My Dog ». Sa version de « I'm Gonna Get Me A Gun » fut fortement animée lors de cette tournée – par un Mitch Mitchell qui marquait le rythme sur l'arrière du crâne de Cat avec un pistolet à eau !
C'était le package auquel jimi se référera plus tard, sur une carte postale envoyée au pays, comme de
« cette petite tournée ridicule ». Un des rares point positifs fut sa rencontre avec le bassiste d'Humperdinck, Jimmy Leverton, qui devint bon copain avec Jimi et le reste de l'Experience.
Il fut renvoyé à la fin de la tournée, pour « s'être associer à des individus indésirables ». Jimi accusa plus tard Humperdinck de chaque soir pourrir le show :
« Je mettais le feu à la scène pour des gens de qualité... et ensuite cette peluche d'Engelbert débarquait et mettait fin à tout ça. Il y a eu des moments agréables malgré tout, lorsque a Luton un fan a sauté d'une caisse de six mètres de haut sur la scène rien que pour nous serrer la main. On a aussi fait l'erreur de sortir par la porte de la scène en pensant que les fan ne s'occuperaient pas de nous....Les gamines nous ont mis en pièces. On avait été bon a Leicester aussi... »J'avais déjà fait mes courbettes devant Scott, qui venait d'annoncer son départ des Walker Brothers, et je l'avait laissé comme narcisse devant le miroir de sa loge à se triturer le visage.
Dix ans plus tard, quand je devins R.P. Pour le groupe Police, je fus frappé des similaritées entre les difficultés de Scott et celles aux quelles faisait face Sting, un autre bassiste blond, membre d'un trio, avec un visage qui vendait des singles par millions, essayant désepérément de se libérer des chaines de son charme adolescent. Sting était psychiquement plus solide et Scott ne fut jamais capable de gérer ce fardeau. Pourtant quiconque lit J.D. Salinger, Jean-Paul Sartre et aime Tom Waits ou Jacques Brel ne peut être fondamentalement mauvais...Mais duquel des deux est-ce que je parle aux juste ? Ils finissent tous par se ressembler à la fin. Au moins aucun de ceux-là n'eut a supporter le genre de mépris subi par Jimi...
C'était mon premier séjour a New-York et ma première rencontre avec cette espèce singulière que sont les conducteurs de taxi de Brooklyn. J'en apostrophais un pour nous amener du Chelsea Hôtel au Greenwich Village. C'était un spécimen authentique : baseball à la radio, cigare éteint entre les dents. Tout ce qu'il a dit était incompréhensible à cause de son accent, à l'exception de
« C'est quoi ce tas de merde que tu as installé à l'arrière de mon taxi ? » Comme un imbécile, je me suis retourné pour comprendre de quoi il parlait. Tout ce que je pouvais voir, c'était Jimi, un regard froid en travers du visage.
« Ce tas de merde noir avec ce chapeau de gonzesse, notre conducteur poursuivit.
Casse-toi de mon taxi. »Mon esprit a finalement fait tilt. Il parlait de mon ami. J'ai émis une observation sur l'occupation de sa mère et suggéra qu'il nous conduise directement vers le poste de police le plus proche, où nous pourrions nous entretenir des relations entre les races et des droits des citoyens. Pendant ce temps Jimi me tira par le corps hors du taxi en me maudissant.
Lorsque nous nous sommes retrouvés sur le trottoir et que le connard se fut éloigné, il m'expliqua de manière très claire que je ne devais plus jamais refaire cela.
« J'ai subi des emmerdes de ce style tout ma vie, dit-il.
Je sais comment les gérer contrairement à toi, alors ne le fais pas. Tu va nous faire tuer. Tu as vu son flingue ? Non, bien sur que non. Eh bien moi oui. Je te remercie, mais sans façon. Un jour il se mettront tous à plat ventre pour avoir mon autographe et m'offrir une course gratuite. » Deux ans et quelques millions d'albums plus tard, j'appelais Jimi à l'hôtel New-Yorkais dans lequel il séjournait alors qu'il enregistrait aux studio Electric Lady. On me le passa finalement après qu'une réceptionniste ultra-polie m'ait annoncé :
« j'ai Monsieur Hendrix en ligne pour vous. »« Tu entends ça Keith ? dit Jimi. Je ne suis plus le negro avec un chapeau stupide, je suis Monsieur Hendrix ! »Ses ennuis avec les chauffeurs de taxis n'étaient cependant pas terminés, puisqu'il venait juste de finir une session à laquelle c'était joint le chauffeur de taxi de se soir-là, qui l'avait supplié de le laisser participer aux jam qui se poursuivait dans le studio.
« C'était le plus mauvais batteur que j'ai jamais entendu. Sa nous a pris trois heures pour nous en débarrasser, dit Jimi.
Mais qu'est-ce que tu veux y faire ? C'était un vrai fan, et il était retourné dans le bronx rien que pour chercher son kit. »31 mars 1967 : préparatifs du concert à l'Astoria. C'est le premier soir de la tournée. La presse est là. Jimi, Chas Chandler, le roadie Gerry Stickles et moi-même sommes posés dans les loges à comploter sur la manière de voler la vedette aux autres stars.
« le trucs de la destruction a été épuisé, dis-je. Tu ne peux pas le faire, ou alors on t'accusera de copier banalement Townshend. Même les Moves ont maintenant commencé à bousiller des télés sur scène. »« Peut-être que je pourrai bousiller un éléphant », suggéra Jimi a voix basse.
« On n'a besoin d'un truc qui fera les gros titres, dit Chas. Quelque chose de scandaleux. »« C'est vraiment dommage qu'on ne puisse pas mettre le feu a une guitare, dis-je en hésitant.
Mais évidemment un corps solide ne brûlera jamais. »Il y eut un long silence où je m'attendais à ce que ceci soit tournée en dérision, mais Chas sourit et dit en regardant le chef des roadies :
« Gerry, pars acheter de l'essence à briquet. »Hendrix riait nerveusement à l'idée de mettre le feu a la salle, et Chas s'attelait a m'expliquer la chimie de l'application d'essence à briquet sur une guitare de manière à ce qu'elle prenne feu par sa surface.
« Sa va brûler comme une torche » s'enthousiasmait-il.
« Et moi donc ? » marmonna Jimi, mais il était déjà acquis à la cause.
La guitare pris à moitié feu durant « Wild Thing », alors que Jimi enfourchait sa guitare et utilisa plusieurs allumettes avant que l'instrument ne s'enflamme. Un petit tas pathétique d'allumettes utilisées demeura ensuite sur scène.
C'était loin d'être une tour enflammée pointant vers le ciel, mais Jimi s'en tira au mieux en faisant tourner la guitare autour de sa tête et en mimant un bûcheron fou pour fair bonne mesure.
En coulisses, le préposé du service du feu de l'Astoria devenait bleu, demandant compensation et aboyant ses invectives :
« Vous êtes complètement tarés d'avoir risqué l'incendie en mettant le feu et en la faisant tourner autour de votre tête. »« J'essayais juste de l'éteindre », dit Jimi en souriant nerveusement, lui passant devant et filant dans la direction des loges.
Chas retrouva Jimi Backstage, lui enroula un bandage autour du poignet et lui dit de le porter pendant une semaine :
« Tu viens juste de quitter l'unité de traitement des brûlés de l'Hôpital Saint Bart, dramatisa Chas. Maintenant fous-moi le camp d'ici avant que la nouvelle n'atteigne les fans »L'agent (qui se délectait de cette affaire, portant le nom ô combien approprié de Tito Burns, et dont Jimi s'était pris d'affection en apprenant que le gaillard avait été un artiste de cabaret dont le numéro comprenait un singe et un accordéon) avait été mis sur le coup. Il apparut brièvement devant les loges et se lança dans des remontrances théâtrales à l'encontre de Chas, destinées à l'agent de sécurité qui observait.
« ...Qui plus est – en conséquence de cet acte irresponsable par lequel vous avez mis en danger le public, la salle et ma réputation, vous ne travaillerez plus jamais sur ce circuit. »De ma position, adossé contre le mur du fond, je pouvais juste apercevoir le manche de la guitare Fender de Jimi, qui dépassait au bas du grand imperméable de Tito. Lançant un clin d'oeil que n'aperçut pas l'agent, Tito se retourna et disparut avec la pièce à conviction numéro 1.
voilà donc l'histoire de la guitare enflammée de Jimi Hendrix, une cascade qu'il ne réalisa que trois fois durant ça carrière (les deux autres occasions se produisirent au festival de Monterey et à Londres au Saville Theatre de Brian Epstein). Un autre triplé qui, à l'instar des buts de Goeff Hurst, continue à vivre dans la mémoire de ce qui en furent témoins.
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Jimi Hendrix, Cat Stevens, Gary Leeds et Engelbert Humperdinck
Les Walker Brothers
(Source : Hendrix - l'Enfant Vaudou (collectif) [2010] aux éditions Consart)