Hendrix présentait souvent ce titre en concert comme le "nouvel hymne américain". Il dit aussi que ce morceau était dédié à "ceux qui pensent par eux-mêmes" et à "nos amis d’Afrique de l’Ouest". Un clin d’œil aux anciens esclaves installés au Libéria ?
En fait comme de nombreux titres de son répertoire celui-ci permet différentes interprétations.
Certains y voient un texte prémonitoire, une sorte de testament, d’autant plus que certains ne découvrirent ce titre qu’après sa sortie en single… après sa mort. En effet, Jimi parle de rejoindre un nouveau monde. Ce qui en plus donna sans aucun doute des arguments à ceux qui ne voyaient en lui qu’un être torturé, voire suicidaire. Il suffit pourtant de replacer ce titre dans le contexte dans lequel il a été écrit pour lui donner un tout autre sens.
L'année 1968 est tout d’abord faste musicalement pour Hendrix, sa musique prend une nouvelle ampleur, on peut même peut être la voir avec le recul comme l’année charnière dans sa courte carrière. Le virage amorcé avec son deuxième album "Axis : Bold As Love" est parfaitement négocié, il n’aura de cesse d’explorer de nouveaux horizons musicaux, tant en studio qu’en live. De plus, à la lecture de ses textes on sent de plus en plus chez Hendrix un intérêt pour les faits politiques et sociaux. Loin de se conduire en star égocentrique, seulement préoccupé par ses propres problèmes, il s’intéresse au sort de ses contemporains et se sent concerné par les événements qui touchent la société ("1983", "House Burning Down"… ). En avril le leader noir pacifiste Martin Luther King est assassiné, des émeutes ont lieu dans tout le pays, la guerre du Vietnam fait rage et divise de plus en plus l’opinion. De plus, la communauté noire gronde et cherche à asseoir sa place dans la société américaine. Certains voient ainsi dans ce titre un message politique directement adressé à la communauté afro-américaine.
Plus généralement, en tenant compte du caractère universel de sa musique, on peut aussi voir dans "Voodoo Child" un message adressé à tout ceux qui souhaitent prendre leur destin en main, qui souhaitent changer le cours de leurs vies. Dans ce texte, comme le dit Ayler dans sa chronique, Hendrix y aborde sa propre mort. Cependant on peut aussi envisager qu'ici la mort n’est pas forcément une fin en soi, qu'elle n’a pas nécessairement un caractère définitif. On peut en effet aussi l'envisager sous la forme d'un symbole qui équivaut à une renaissance, à un nouveau départ. Ainsi, comme beaucoup d’autres titres dans son œuvre, on peut percevoir celui-ci comme étant rempli d’espoir, il nous persuade que l’on peut changer son destin, que tout n’est pas figé. Les montagnes qu’il abat du tranchant de la main ne sont-elles pas au fond un peu aussi les limites qui nous entourent et que l’on se crée parfois ? L’accomplissement personnel passe aussi par le franchissement de ses propres limites, mais aussi par le fait d’agir, de ne pas seulement subir sa vie. Derniers conseils prodigués dans ce titre : « ne soit pas en retard », qui ressemble à un "ne perds pas de temps ". Quelques mois plus tard il écrira "Room Full Of Mirrors", ne peut-on voir dans ces miroirs un écho de ces montagnes qui nous empêchent d’avancer ?
On peut aussi dire qu'au même titre qu'un bon nombre de ses compositions celle-ci à un fort accent autobiographique. Lorsqu'on regarde sa trajectoire de vie, on ne peut que reconnaître qu'il a su forcer son destin et faire face à une multitudes d'épreuves. Il a cru en lui, en son talent et a effectivement franchi bien des montagnes, d'où sans doute la force de conviction qui émane de ce titre.
Pour conclure "Voodoo Child" sera un des titres les plus joué en live, et cela jusqu’à la fin. Il clôtura d’ailleurs souvent ses concerts avec ce titre, ce qui me semble être une belle façon de laisser son public avec un ultime message d’espoir. Clin d’œil de l’histoire, ce sera aussi le dernier titre joué en concert par Hendrix.