Blue Wild Angel: Jimi Hendrix Live At The Isle Of Wight (2002)
CD 1
1. God Save The Queen
2. Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band
3. Spanish Castle Magic
4. All Along The Watchtower
5. Machine Gun
6. Lover Man
7. Freedom
8. Red House
9. Dolly Dagger
10. Midnight Lightning
CD 2
1. Foxey Lady
2. Message To Love
3. Hey Baby (New Rising Sun)
4. Ezy Ryder
5. Hey Joe
6. Purple Haze
7. Voodoo Child (Slight Return)
8. In From The Storm
“
Pour être franc, c’était un mauvais concert. Je ne peux pas dire si le cœur de Jimi y était. Une chose est certaine, rétrospectivement, c’est que nous aurions vraiment dû répéter une fois. C'est étrange parce que le groupe jouait tellement bien, il était réglé comme une horloge. A ce stade, nous étions tous confiants vis-à-vis de nos jeux respectifs. Il n’y avait aucune raison que le concert soit peu réjouissant. Mais le feeling n’était pas au rendez-vous.”
Mitch Mitchell
Extrait de l’interview donnée à l’occasion de la sortie de "Blue Wild Angel".
Première date de l'ultime tournée du trio Hendrix/Cox/Mitchell, le concert donné le 30 août 1970 à l'Ile de Wight demeure sans doute sa performance la plus complexe à aborder. La chronique définitive de ce concert est certainement celle de Keith Shadwick, in [s]Jimi Hendrix : Musician[/s] (2003), véritablement remarquable.
"Blue Wild Angel" doit son titre au surnom que Jimi se donne lorsqu'il précise le nom des musiciens du groupe au maître de cérémonie. C'est le troisième album entièrement consacré à ce concert, le seul regroupant son intégralité (ou presque).
Je vous invite à lire mes chroniques des deux premiers albums, particulièrement l'introduction du premier, qui précise le contexte de la performance :
-
Isle Of Wight (1971)-
Live Isle Of Wight '70 (1991)Je ne vous cache pas que mes sentiments vis-à-vis de la performance sont pour le moins mitigés, mais ils sont aussi changeants : pour ces raisons, la tonalité de cette chronique sera différente des précédentes. Les contradictions sont peut-être un plus pour mieux cerner la réalité de ce concert.
"
C'est si bon d'être de retour en Angleterre. Nous aimerions faire, euh... commencer avec un truc que tout le monde connait par ici. Vous pouvez participer et chanter. En fait, ça sonnera mieux si vous vous lever, pour votre pays et votre frère, vous devriez chanter ! Et si vous ne le faites pas... Allez vous faire foutre !"
"
God Save The Queen", effleuré avec malice, est un clin d’œil spontané, et plutôt inspiré, à ce pays qui a fait de lui une star. Mais Jimi semble rencontrer rapidement des problèmes d'amplification...
... qui expliquent pourquoi Mitch se lance si tôt dans un solo de batterie (édité lors des versions antérieures) avant que le groupe ne joue un court extrait du "
Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band" des Beatles, autre clin d’œil (moins protocolaire) au public anglais.
Présent sur la VHS publiée du temps de Douglas, "
Spanish Castle Magic" n'avait étrangement jamais connu les honneurs d'une publication officielle sur disque. C'est pourtant l'un des meilleurs titres de la performance, dans une version relativement compacte, avec deux solos solides de Jimi.
"
Comme je l'ai dis plus tôt, merci beaucoup d'être venus. Nous aimerions faire une autre chanson que nous faisions en l'an 1833. Et je pense que c'est rudement vrai aujourd'hui encore, si vous réussissez à la piger."
"
All Along The Watchtower" cristallise la complexité du ressenti de ce concert. Un chant bâclé (quand Jimi prend la peine de se positionner devant le micro...) et un nombre conséquent d'erreurs guitaristiques contrastent violemment avec certains traits de guitare fulgurants (le court solo suivant le premier couplet). Une version intéressante donc, mais où le manque de répétition se fait tout de même terriblement sentir. On appréciera le mixage de Kramer, délesté de la reverbe post mortem des premières éditions.
Jimi concède rencontrer des problèmes avec son équipement puis dédie le titre suivant "
à tous les soldats qui se battent à Birmingham, aux crânes rasés, (...) tous les soldats qui se battent à Bournemouth, Londres, ah oui... tous les soldats qui se battent au Vietnam, j'avais presque oublié, tant il y a de guerres en ce moment."
La version qui suit de "
Machine Gun" est loin d'être la meilleure. Elle n'en demeure pas moins fascinante.
Après plus d'une minute, Jimi dresse une montagne de saturation, mais très vite on constate qu'il se bat avec sa musique. Ses amplis repiquent les messages du service de sécurité : le rendu est rétrospectivement efficace sur ce titre - même si on imagine facilement à quel point Jimi a dû être agacé sur le coup.
L'interprétation des couplets est réussie. Avec Mitch aux baguettes, le rendu est moins accessible qu'avec Buddy Miles.
Jimi s'engage ensuite dans un solo qui oscille entre jazz-rock et blues selon les moments. Un solo où il lutte désespérément, mais est lâché par son matériel, ce qui donne à Mitch l'occasion de meubler avec un solo sans relief (édité sur la version Douglas).
Jimi remonte sur le ring en lançant un riff inédit (qui ressemble un peu à celui de "Born Under A Bad Sign", mais en moins efficace) sur lequel il improvise sans éclat.
Jimi chante ensuite les vers suivants de "Machine Gun" sur la rythmique "No Quarter" puis se lance dans un solo moins bruitiste qu'à l'accoutumée. Jimi reprend des couleurs.
Alors que l'on pense que le titre arrive à son terme, Jimi lance le riff de "Race With The Devil" et chante un ultime couplet sur une boogie à la John Lee Hooker.
Alors que le titre se meurt, les amplis de Jimi repiquent de la musique diffusée sur une radio...
Pour un titre si souvent joué lors depuis les débuts du trio Hendrix/Cox/Mitchell, "
Lover Man" est bien poussif et ne décolle pas vraiment.
"
Bon, on reprend tout à zéro. Salut, comment vas-tu Angleterre ? Content de te voir."
Jimi annonce alors "
Freedom", ayant entre temps laissé sa Strat pour sa Flying V. "Freedom" n'était certainement pas le meilleur choix pour un nouveau départ : c'est un titre dont aucune version Live ne rivalise sérieusement avec la version studio, inédite alors. Le chant n'est pas convaincant et Jimi échoue une fois encore à produire en trio un arrangement compensant le résultat des multiples overdubs...
C'est souvent en se perdant dans le blues que Jimi parvient à se retrouver. C'est ce qui se passe, au moins dans une certaine mesure avec "
Red House". Techniquement, Jimi est loin de faire preuve de sa virtuosité habituelle. Certains de ses tirés sont faux... mais ce thème est tellement ancré en lui qu’il sauve la mise, même si la version est loin d’être inoubliable.
Hendrix présente ensuite "
Dolly Dagger" en précisant que c'est un titre de leur nouvel album à venir. "Dolly Dagger" est le dernier titre où Jimi joue de sa Flying V. Il met d'ailleurs un certain temps à trouver le réglage idoine pour la guitare rythmique des couplets. Manquant sans doute de repère sur ce titre (c'est seulement la deuxième version Live), Jimi massacre le chant des couplets, et ne sauve pas vraiment la mise avec des soli bien peu inspirés.
Avec "
Midnight Lightning", le trio sombre dans des profondeurs abyssales. Jimi ne reprend pas les paroles des différentes versions studio connues mais celles de "Keep On Grooving". La section rythmique n'est pas du tout en place, Jimi sans inspiration à la guitare et les parties vocales sont horribles. Contrairement au premier album consacré à ce concert, "Midnight Lightning" se termine par un fondu coïncidant avec la fin du premier CD.
Le second CD commence donc par l'incroyable feed back de "
Foxy Lady" ("
Si vous voulez les mêmes vieilles chansons, on peut faire ça !"), mais Jimi rencontre rapidement un problème avec sa tenue de scène presque rassurant rétrospectivement tant l'ampleur des dégâts est impressionnante. Sans nul doute l'une des pires version de ce titre.
Pour le détail de l'incident, voir :
"Isle Of Wight" (1971) "
Tu veux entendre toutes ces vieilles chansons mec ? Bordel mec, on essaie de créer d'autres choses ensemble. Je me suis levé il y a deux minutes. On enregistrait quelques trucs. Mais je pense pas que... je sais pas. Je pense qu'on va jouer, jouer quelque chose d'un peu plus connu. Parce que je ne suis pas encore arrivé moi-même, je sais pas pour vous, mais je suis pas encore arrivé. Et je suis arrivé. Merci beaucoup, bonne nuit !"
Jimi attaque aussitôt l'introduction de "
Message To Love". La guitare rythmique de la composition s'accommode très mal des problèmes de justesse et sans le solo central, où il y a tout de même des fausses notes, l'interprétation serait là encore bien faible.
"
Hey Baby (New Rising Sun)" débute par un a capella où le son de Jimi est méconnaissable. Le groupe attaque ensuite l'introduction de la version studio (avec un son apocalyptique) avant de laisser Jimi seul, dans un a capella où il passe du coq à l'âne.
La rythmique des couplets installée, Jimi se lance dans un solo sans intérêt, puis chante le premier couplet, étonnamment bien au regard de ce qui précède.
Il tente même un second couplet aux paroles improvisées :
"
Coming back to England,
Thank you baby for making it so easy.
Going through changes in New York, Chicago,
Thank you baby for staying with me."
"
Ezy Ryder" part plutôt sur de bonnes bases, mais les choses se gâtent lors du pont, où le chant est pour le moins approximatif, et empirent lors du solo, passablement raté.
"
Hey Joe" n'améliore pas la donne : elle est mal chantée, presque neurasthénique. Jimi règle ses soucis de justesse pendant les couplets. Et si le premier solo peut faire illusion, le second tombe à plat, et frise la correctionnelle lorsqu'il joue avec les dents.
"
Purple Haze" n'est guère plus convaincant. Jimi joue souvent faux, se trompe dans le thème et ne chante pas très bien. Il se désaccorde en cours de morceau, finissant par un a capella bien terne...
... qui nous mène à "
Voodoo Child (Slight Return)". Et le cauchemar continue : les notes semblent vide de sens. La musique se joue de Jimi, qui tente pourtant de faire de son mieux.
Contre toute attente, "
In From The Storm" conclut le concert de façon énergique, avec une interprétation solide... même si le chant du pont est pour le moins limite.
"
Merci d'avoir été si patients, peut-être qu'un de ces quatre on se retrouvera. Je l'espère. OK ? Merci beaucoup. Paix et amour et toutes ces autres conneries..."
Il quitte alors la scène en laissant lourdement tomber sa Stratocaster : difficile de ne pas compatir avec la frustration qui devait être alors la sienne.
Au final ? Mitch Mitchell a bien résumé l'affaire : c'est un mauvais concert.
Le DVD est en revanche un documentaire passionnant, pour des raisons historiques et sentimentales :
Blue Wild Angel: Jimi Hendrix Live At The Isle Of Wight (DVD) Le sondageA lire aussi :
Wight 70 : le dernier mythe