Stockholm (Konserthuset) : 9 janvier 1969 [Second concert]
Titres :
1. I Don't Live Today
2. Spanish Castle Magic
3. Hey Joe
4. Voodoo Child (Slight Return)
5. Sunshine Of Your Love
6. Red House
7. Fire
8. Purple Haze
9. Star Spangled Banner
Source : "Astro Man" (CD 6), coffret de 6 CD publié en 2004 par Alchemy Audio.
C'est un enregistrement soundboard d'excellente qualité, mais dont le mixage est légèrement moins bon que celui du premier concert : la basse est très présente lors des deux premiers titres (et la batterie gagnerait à être mixée plus en avant).
Autre source : Konserthuset (ATM 042-043)
Le contexte de ce second concert du 9 janvier 1969 est simple : l'Experience vient de donner l'un de ses pires concerts quelques heures plus tôt. Le groupe va-t-il profiter de cette deuxième chance pour remettre les pendules à l'heure ?
Après quelques rires que l'on pourrait sans doute qualifier de psychédéliques, Jimi dédie le concert "à l'organisation des déserteurs américains". Puis débute par une version très longue de "I Don't Live Today", rarement joué en ouverture.
Les couplets sont interprétés correctement : l'Experience a retrouvé une part de l'énergie qui lui faisait tristement défaut lors du premier concert.
Il y a quelques flottements dans la mise en place, mais le premier solo de Jimi, relativement court, ne présente rien d'alarmant. Par contre, on sent que Jimi se bat avec sa musique lors du second solo, long et inégal.
"Spanish Castle Magic" part sur de meilleures bases que la version jouée quelques heures plus tôt : Jimi se donne la peine de chanter le premier refrain... mais il ne chante qu'avec parcimonie les seconds couplet et refrain.
Le solo central de Jimi ne commence pas trop mal, mais la suite manque de cohérence, de ligne directrice.
Et la reprise du chant nous laisse entendre un cafouillage monumental, montrant le manque de répétitions et le manque d'écoute.
"Hey Joe" retrouve son introduction à rallonge, avec une citation de "Taps" en prime. Elle se termine malheureusement par une erreur manifeste de mise en place : Jimi joue le début de l'introduction du disque au mauvais moment...
Heureusement, Jimi s'implique cette fois-ci dans son chant.
Les Beatles sont à l'honneur : après l'habituelle citation de "I Feel Fine", Jimi joue le riff de "Day Tripper".
Le solo central, plutôt réussi, est étonnamment long : Jimi continue son solo après l'habituel passage chromatique.
En net progrès donc.
"On a sorti cet album qui s'appelle "Electric Ladyland". Et il n'y a qu'une seule chanson dont on se souvient, parce que, je sais pas, c'est comme un, je sais pas, c'est comme un journal ces albums vous savez ? C'est pour ça qu'on ne les joue pas forcément sur scène tout le temps, ce qu'on aime, c'est jammer sur scène vous savez, parce que nous n'avons pas joué ensemble depuis environ six semaines de toute façon.
J'aimerais dédier cette chanson à toutes les personnes qui sentent et pensent vraiment pour eux-mêmes et se sentent libre, un truc qui s'appelle "Voodoo Child (Slight Return)". Un mec chante, vous savez, il s'échafaude lui-même. Vous voyez ce que je veux dire, il n'y a vraiment rien de mal là-dedans."
Mais il demande à Noel : "J'ai oublié ce que je viens de dire. Quelle chanson fait-on ?" qui lui répond "C'est en Mi. Mi."
A la dérive ?
Après un premier couplet correct, Jimi joue un solo central calqué sur celui de la version studio de "Voodoo Child (Slight Return)", mais en moins brillant.
Après une fin de second couplet un peu brouillonne, Jimi se lance dans un second solo où Mitch tente de lui donner la réplique. A défaut de créativité, on peut noter plus d'envie... Mais le solo sombre assez rapidement, une seconde citation du "Day Tripper" des Beatles trahissant la confusion et le manque d'inspiration de Jimi ce jour-là.
Le groupe enquille aussitôt avec "Sunshine Of Your Love", dont le thème est joué énergiquement, mais lesté par une guitare pas tout à fait juste. Suit un solo de basse de Noel Redding où l'on s'ennuie ferme. Jimi tente vainement de reprendre les choses en main, et laisse la place à Mitch qui se lance dans un solo de batterie assez nerveux, avant un retour au thème.
Pas de quoi se réveiller la nuit là non plus.
A un spectateur qui réclame sans cesse "Wild Thing", Jimi répond "Tu vis dans le passé !", et enchaîne avec "Red House", annoncée par Noel Redding.
Sans être inoubliable, les deux premiers couplets de "Red House" montrent une amélioration. Au lieu de partir en solo, Jimi improvise un troisième couplet : doit-on mettre cette innovation sur le compte de la spontanéité ou de la défonce ?
Le solo central est catastrophique. Rarement Jimi s'est montré aussi transparent sur un blues. Mitch se montre particulièrement mauvais lors du deuxième cycle de solo... égalant ainsi Noel et ses horribles lignes de basse.
Jimi touche le fond au début de son troisième cycle de solo : il répète la même phrase indéfiniment durant les premières mesures, se montrant là aussi peu inspiré qu'un Alvin Lee...
Le groupe joue ensuite une version de "Fire" à peine meilleure que celle jouée quelques heures plus tôt. Si Jimi chante un peu plus, ce n'est forcément très bien. Et son solo central est catastrophique.
L'Experience enchaîne directement sur "Purple Haze", dans une version particulièrement faible : la transition entre le thème et les couplets est complètement loupée, et les deux premiers couplets manquent terriblement de puissance.
Plus grave, lors du solo central, il est manifeste que chacun joue dans son coin. Noel tente d'improviser, mais il n'a pas le huitième du talent d'un Jack Bruce en la matière...
Jimi s'abstient de chanter une large partie du dernier couplet... retombant dans les travers du premier concert.
Jimi joue "Star Spangled Banner" dans la foulée. L'exposé du thème n'a rien d'impressionnant. Mitch place ses plans de batteur de free jazz, mais chaque musicien reste dans sa bulle : il n'y a plus aucune écoute. Le manque de communication sur le plan humain se traduit sur le plan musical. A ce stade, l’Experience semble au bord de l'implosion.
Au final ? Etrangement, ce concert jouit d'une bonne, voire très bonne réputation. Peut-être est-ce parce que le premier concert est tellement raté que, au moins dans un premier temps, celui-ci peut passer pour un bol d'air frais ?
Il n'en est malheureusement rien : la seconde performance est certes moins catastrophique que la première, mais c'est sans hésiter l'une des pires de Jimi. Ce n'est pas un hasard si aucun titre de ce concert n'est sorti officiellement, toutes ères confondues. Pourvu que ça dure...