Lifelines - The Jimi Hendrix Story - IV : The L.A. Forum Concert (1990)1. Tax Free
2. Red House
3. Spanish Castle Magic
4. Star Spangled Banner
5. Purple Haze
6. I Don't Live Today
7. Voodoo Chile/Sunshine Of Your Love
Publié en 1989 par Castle Communications, "Live And Unreleased -The Radio Show" (3 CD) est ressorti l'année suivante sur Reprise Records sous la forme d'un coffret 4 CD "
Lifelines - The Jimi Hendrix Story", avec en bonus un quatrième CD autrement plus intéressant que les trois autres : il reprend en effet la presque intégralité de la performance donnée le 26 avril 1969 par le Jimi Hendrix Experience au Los Angeles Forum.
Bruce Gary, en charge de la production, n'a pas retenu "Foxy Lady" au motif que ce titre figurait déjà en tant que bonus track sur "The Jimi Hendrix Concerts" : le CD ne durant que 70 minutes, c'est un choix surprenant, d'autant qu'il aurait pu appliquer le même raisonnement avec "Red House", présente sur le "
Variations On A Theme: Red House" publié un an plus tôt.
Voici la setlist complète du concert donné Los Angeles Forum le 26 avril 1969 :
1. Tax Free
2. Foxy Lady
3. Red House
4. Spanish Castle Magic
5. Star Spangled Banner
6. Purple Haze
7. I Don't Live Today
8. Voodoo Child (Slight Return)/Sunshine Of Your Love
L'enregistrement soundboard de plus de 83 minutes est disponible dans le circuit des collectionneurs :
Los Angeles 1969 (ATM 046-047)Ces enregistrements présentent des différences notables avec les versions publiées officiellement :
- Le solo de batterie de Mitch Mitchell sur "Tax Free" n'est pas édité ;
- Le chant de Jimi est bien présent sur "Voodoo Child (Slight Return)", en contradiction avec les notes de pochettes de "Lifelines - The L.A. Forum Concert" ;
- Le mixage mono est radicalement différent de celui de Bruce Gary, dont la définition est supérieure, notamment concernant la basse de Noel Redding.
Dans l'optique de sortir un album Live, ce sixième concert de la dernière tournée américaine du Jimi Hendrix Experience a été enregistré professionnellement. L'ambiance était manifestement tendue entre une foule indisciplinée (une partie refusant de s'assoir) et les forces de l'ordre (le fameux LAPD) : Jimi est obligé de calmer la tension à plusieurs reprises. La scène sera même envahie par des spectateurs pendant "I Don't Live Today", seul titre disponible officiellement au moment où j'écris ces lignes.
Cette tournée montre l'Experience dans sa phase ultime. Les sets sont plus longs que par le passé. Non en raison d'un répertoire élargi, mais parce que les titres joués connaissent une inflation des durées parfois considérable. Quatre titres dépassent les dix minutes, et deux s'approchent du quart d'heure : le cadre pop des débuts a explosé au profit de longues jams plus ou moins structurées, au grand désespoir de Noel Redding.
Le concert du L.A. Forum a une réputation un peu mitigée. John McDermott (in "[s]Setting The Record Straight[/s]") et Keith Shadwick (chronique détaillée in [s]Jimi Hendrix : Musician[/s]) le jugent tous deux inégal.
"
Pour être honnête avec vous, nous allons commencer avec une petite jam, Ok ?"
Jimi attaque alors "
Tax Free", le thème du duo suédois Hansson & Karlsson, au cri de "
Tangos Mango !"
"
Petite jam" n'était peut-être pas le terme le plus approprié : le groupe improvise sur plus de 14 minutes. Bruce Gary a édité le solo de batterie de Mitch Mitchell afin de recentrer le titre sur la seule guitare de Jimi. La meilleure définition de son mixage a un prix : Noel n'est pas accordé sur Jimi, et les premières minutes de "Tax Free" peuvent s'avérer pénibles si vous êtes sensibles aux problèmes de justesse. Pour autant, les choses s'améliorent en cours de morceau. L'improvisation de Jimi est loin d'être inintéressante. Certains traits sont mêmes tout à fait inspirés. Pour autant, le potentiel commercial d'un tel titre est quasi nul : ce type de jam risquait peu de se retrouver sur un Live officiel... Peut-on encore parler de rock à l'écoute d'un tel titre ?
"
Foxy Lady" n'a pas été retenue par Gary : c'est une version assez moyenne, mais retenue en tant que bonus track sur "The Jimi Hendrix Concerts". Pourquoi couper ainsi la continuité du concert ?
"
Yeah tout le monde veut savoir ce qu'est la soul (âme)
américaine. Tout le monde pense que c'est Motown et tout ce bazar, tout le monde pense que c'est ça. (...) L'âme de l'Amérique ressemble à ce qui va suivre, un truc qui s'appelle "Red House""
Il nous livre une superbe version de "
Red House", dont les arrangements sont dans le droit fil des versions jouées au Winterland et au Royal Albert Hall. Les problèmes de justesse sont réglés et c'est l'occasion pour Jimi de montrer sa vision du Blues, totalement unique par sa liberté et son intensité.
Vient ensuite "
Spanish Castle Magic", dans une des meilleures versions officielles jamais proposées. Après une interprétation solide de la partie chantée, Jimi se lance dans un très long solo où il improvise dans des registres très différents. A un début très intense succède une plage plus calme où Jimi laisse respirer son improvisation. Puis il se lance dans un passage flamenco qui préfigure celui qu'il jouera quelques mois plus tard à Woodstock.
Après un long feed back, Jimi enchaîne avec "
Star Spangled Banner". Une très belle version. L'exposé du thème est effectué sans saturation, avec un feeling blues, en contradiction avec la violence du propos de Jimi, qui précise que c'est avec ça qu'on nous lave le cerveau ! Le calme n'a qu'un temps : le Guernica sonore de tarde pas à le chasser de toute sa violence.
Jimi enquille directement avec "
Purple Haze", dont il livre une fantastique version. Jimi prend ici ses distances avec les paroles originales ("
’Scusez-moi pendant que j’embrasse ce policier" en fin de premier couplet, "
Quoiqu’il en soit, ce mal de crane m'a jeté un sort" en fin de deuxième), mais surtout nous plombe un magnifique solo central, calqué sur la version studio dans un premier temps avant d'extrapoler dans des eaux qui préfigurent la version jouée à Woodstock.
Constatant les problèmes du LAPD à rétablir le calme et faire s'assoir une partie des spectateurs, Jimi leur demande de le faire car "
nous pourrons jouer un peu plus longtemps parce que j'ai envie de jouer". C'est un aspect qu'il convient de souligner : Jimi avait manifestement envie de jouer ce jour-là, ce qui ne fut pas toujours le cas dans sa courte carrière.
Il dédie alors "
I Don't Live Today" aux "
Smothers Brothers, nous-mêmes, et les indiens d'Amérique."
Le public accompagne la grosse caisse de Mitch par ses battements de main lors de l'introduction.
C'est là encore une excellente version. Le solo central, relativement court, est dans le prolongement de la version officielle. L'enthousiasme est bien réel ce soir-là : à l'écoute de la séquence des 5 derniers titres, comment imaginer que le groupe était au bord de l'implosion ?
La tension entre une partie du public et les policiers est alors à son apogée : Jimi est obligé d'intervenir, demandant aux gens de se concentrer sur la musique et de piger les sons que le groupe propose. Il explique aussi que c'est peut-être super de se défoncer mais qu'il faut garder un minimum de raison et redemande au gens de s'assoir.
Mais avant d'attaquer l'introduction de "
Voodoo Child (Slight Return)"... Jimi fait littéralement parler sa guitare, adressant à un excité de l'audience (ou à un flic ?) un incroyable "
fuck you motherfucker" !
Sur ce titre, le travail de Bruce Gary est pour le moins déconcertant : il a supprimé le chant de Jimi lors du second couplet mais n'a pas édité le passage du solo qui suit le premier couplet où la guitare de Jimi se désaccorde complètement d'un seul coup (corde cassée ?). Alan Douglas avait généralement la présence d'esprit de supprimer de tels passages, dont l'intérêt musical est nul.
Après un solo de batterie, Jimi lance le thème de "
Sunshine Of Your Love", mais il a un peu de mal à contenir le feed back. C'est une version solide, typique de l'Experience en 1969, avec un solo de basse de Noel Redding suivi d'une citation de "Outside Woman Blues".
Après quatre minutes dédiées à Cream, Jimi rejoue le riff d'introduction de "Voodoo Child (Slight Return)" et prend le solo qu'il n'a pas pu faire auparavant.
Le medley traîne en longueur sur la durée : de telles erreurs de production ne se reproduiront pas sur la première monture de Woodstock.
Au final ? Une superbe performance de l'Experience, avec un Jimi Hendrix inspiré : les points faibles de la performance lui sont extérieurs (Noel Redding n'est pas juste sur "Tax Free" ; Jimi est trahi par sa guitare sur "Voodoo Child (Slight Return)". Les flottements se situant sur les premier et dernier titres, il est facile de rester sur une impression mitigée. Mais la longue séquence qui va de "Red House" à "I Don't Live Today" n'a pas grand chose à envier à certaines de ses meilleures performances. Peut-être un chant un peu plus appliqué ?