Are You Experienced - The Inside Story Of The Jimi Hendrix Experience (Noel Redding & Carol Appleby) [1990]

Are You Experienced - The Inside Story Of The Jimi Hendrix Experience (Noel Redding & Carol Appleby) [1990]

Publié la même année que le livre de Mitch Mitchell, celui de Noel Redding est d'une toute autre nature. C'est en fait plus l'autobiographie de Noel Redding qu'un livre entièrement consacré à Jimi Hendrix. Le livre nous mène jusqu'au début des années 80 - laissant penser que sa rédaction est largement antérieure à sa publication (voire dans les années 70 pour une partie). Are You Experienced - The Inside Story Of The Jimi Hendrix Experience est extrêmement détaillé, et totalement subjectif - ce qui donne au livre tout son intérêt.

Ses souvenirs ne sont pas toujours corroborés par les faits, mais le livre reste très sérieux dans l'ensemble - d'autant qu'il est basé sur le journal qu'il avait écrit à l'époque. La place de la drogue et de l'alcool dans la vie du groupe était considérable. Noel raconte ainsi l'envers du décor : la défonce, l'enfer des tournées, les sessions de plus en plus chaotique (au point de devenir complètement stériles), l'exploitation des musiciens...

Sans sombrer pour autant dans le livre à scandale, Noel Redding livre les faits sans pudeur. Selon lui, Jimi consommait de l'héroïne, et lui aurait fait des avances le fameux 3 janvier 1968 qui s'est soldé par son arrestation en Suède. Il se plaint très régulièrement du fait que Jimi était lunatique, et décrit parfaitement comment les rapports se sont détériorés au sein du groupe. Contrairement à l'image qu'il pouvait donner de lui lors de ses entretiens, Noel s'avère très sensible, et conscient que Jimi était confronté à une pression intolérable. Obligé de créer tout le temps une musique inédite et géniale à la fois, tout en devant jouer les mêmes titres soir après soir. Sans parler du stress gigantesque engendré par tous les soucis judiciaires. En effet, le contrat PPX avec Chalpin et l'arrestation pour possession de drogue au Canada furent de terribles épreuves...

Ses rapports avec Hendrix et Mitchell sont manifestement très complexes, le principal problème venant du fait qu'il n'adhérait pas forcément à l'évolution musicale de Jimi. En outre, il croyait à l'époque certainement trop en ses capacité de songwriter, alors qu'il aurait dû se rendre compte de ses limites. A sa décharge, il n'avait que 20 ans lorsqu'il a rejoint l'Experience...

Les chapitres les plus intéressants concernent bien sûr le Jimi Hendrix Experience, Noel n'abordant qu'à l'occasion la carrière de Jimi après le 29 juin 1969. On apprend tout de même qu’à la fin du set du dernier concert du Band Of Gypsys, le 28 janvier 1970, Mitch Mitchell & lui devaient monter sur scène pour jouer avec Hendrix. Il revient aussi sur la façon pitoyable dont, malgré l'entretien du 4 février 1970 annonçant la reformation de l'Experience, il s'est fait évincer du groupe au profit de Billy Cox - personne ne l'avait prévenu que les répétitions avaient débuté sans lui... Il est intéressant de noter qu'avant la parution de l'article dans Rolling Stone, le 19 mars 1970, John Burks avait été prévenu que Noel Redding était finalement remplacé par Billy Cox. Histoire de lui trouver une porte de sortie acceptable, l'article précise (à la fin de l'entretien) que Noel a entre temps décidé de tourner avec Jeff Beck - ce qui était tout de même plus reluisant que d'avoir été écarté par Hendrix & Mitchell d'un commun accord...

Après la mort de Jimi, la vie de Noel Redding s'articule autour des procédures judiciaires qui n'en finissent pas, des projets musicaux qui sombrent dans le néant les uns après les autres et un état dépressif perpétuel qu'il soigne à coup de pilules et/ou d'alcool. Cette partie du livre se rapproche de celle du livre de Sharon Lawrence - aussi éprouvante. Il confirme d'ailleurs les liens de Jimi avec cette dernière.
La veille de la mort de Jeffery (à laquelle il ne croit pas vraiment), il raconte que Jimi lui est apparu en rêve pour la première fois depuis sa mort ("pour régler des affaires"). Et que Chas Chandler a éclaté de rire en apprenant la nouvelle selon un musicien de Slade, le groupe dont il s'occupait alors.

Au final ? Un livre déprimant et passionnant à la fois.

Aussi incroyable que cela puisse nous paraître, Noel Redding n'a jamais pris conscience du génie de Jimi. C'est d'ailleurs ce qui explique son ressentiment à son égard : il n'arrivait pas à comprendre que Jimi n'accepte pas de lui laisser plus de place dans le groupe... alors que lui accorder un titre sur "Axis" et un autre sur "Electric Ladyland" était de la part de Jimi d'une incroyable générosité. Sans son talent, ces deux titres ne seraient que deux morceaux pop bien minces, sans éclat.
Noel n'était pas motivé par le projet Hendrixien : il ne voulait pas contribuer à mettre en place les compositions en studio, ne voulait pas apprendre les lignes de basse composées par Jimi. En cela, son remplacement par Billy Cox, qui est son négatif (à tous les niveaux), était inéluctable. Que Noel préfère la version de Dylan de "All Along The Watchtower" est typique du personnage...
Par contre, et c'est en cela que Noel est aussi touchant, on sent chez lui énormément de tendresse pour Jimi, l'homme. Son copain, son ami.
Le rapport de Mitch à Noel, tel qu'il se dégage du livre de Mitch, reflète d'ailleurs très bien ce fait : Mitch trouve Noel limité musicalement ("il écoute deux disques"), casse-couille, profiteur (avec Fat Mattress, il cumulait deux cachets pour un seul gig)... mais c'est avec lui qu'il partage sa détresse lors de la mort de Jimi.

On notera au passage que Mitch Mitchell avait lui aussi un caractère bien trempé... Quel groupe !

Citation :

Le rapport de Mitch à Noel, tel qu'il se dégage du livre de Mitch, reflète d'ailleurs très bien ce fait : Mitch trouve Noel limité musicalement ("il écoute deux disques"), casse-couille, profiteur (avec Fat Mattress, il cumulait deux cachets pour un seul gig)... mais c'est avec lui qu'il partage sa détresse lors de la mort de Jimi.

Dans l'entretien de Noel Redding avec Michael Fairchild, contemporain de la sortie de ce livre : le ton adopté à l'encontre de Mitch Mitchell y est autrement plus cassant que dans son livre. Il y précise d'ailleurs que Chandler ne pouvait pas encaisser Mitchell.