Interview TV avec Dick Cavett pour "The Dick Cavett Show" : 9 septembre 1969Troisième et dernière apparition à la télévision US.Dick Cavett : Nous avons fait une émission de rock il y a quelques semaines, Jimi Hendrix n'était pas là, après avoir joué très longtemps à Woodstock, il s'est effondré dans sa chambre et n'a pas pu venir. Il en a vécu des choses : une fois 50 filles ont sauté dans la piscine qui séparait le public de la scène pendant un de ses concerts. A priori, ça n'arrivera pas ce soir. Enfin, il est sur pied et il est avec nous ce soir. Je vous prie d'accueillir l'inimitable Jimi Hendrix Experience.
Jimi, Mitch Mitchell, Billy Cox et Juma Sultan jouent sur le plateau "Izabella" et "Machine Gun". Dick Cavett : Vous voilà, enfin. Comment vous sentez vous ?
Jimi : Fatigué. J'enregistre tout le temps.
Dick Cavett : Vous êtes fatigué ?
Jimi : Oui. J'ai passé une nuit blanche. J'ai bossé sur le nouvel album.
Dick Cavett : Il vous faut combien d'heures de sommeil ?
Jimi : Environ huit
(rires).Dick Cavett : Huit heures ?
Jimi : Oui et vu que j'ai dormi huit minutes.
Dick Cavett : Huit minutes ? J'ai dormi plus longtemps pendant mon monologue. Vous pourriez arrêter le vacarme qu'on entend, gentils messieurs ?
(rires) Quel est ce son qui nous irrite tant ?
Jimi : Ça ressemble à une rue de New York. Aujourd'hui, l'air est statique alors les amplis le sont aussi. La musique gronde. L'air gronde. On essaye de calmer un peu le jeu. Il faut que les choses se calment.
Dick Cavett : A une question pratique, j'ai une réponse philosophique
(rires).Jimi : C'est philosophique ?
Dick Cavett : Oui. Vous avez dit que l'air est statique.
Jimi : J'essayais seulement de dire quelque chose avant qu'on se repose. (Jimi fait semblant de s'endormir et ronfle.) Pardon, vous êtes encore là.
Dick Cavett : Et si on dormait ?
(A l'autre invité) Mr Young vous pouvez divertir le public ?
(rires) Dites-moi, que s'est il vraiment passé ce soir-là, à Woodstock ? Vous avez joué si longtemps que...
Jimi : Non, on a joué le matin. On nous a dit que le Dick Cavett show était annulé, alors... Après on nous a dit qu'il avait lieu. Je ne savais pas ce qui se passait. J'étais épuisé. C'était comme... Comment on dit déjà ? Une dépression nerveuse ?
Dick Cavett : Dépression physique. Vous avez déjà fait une dépression nerveuse ?
Jimi : Oui, trois depuis que je suis dans la profession.
Dick Cavett : C'est vrai ? Je ne voulais pas être indiscret mais puisque vous en parlez...
(rires) Tout le monde s'est étonné de l'absence de violence. C'est d'ailleurs devenu le cliché du festival. Ça vous a surpris ?
Jimi : Ça m'a réjoui. C'était le but. D'essayer de faire disparaître toute violence. C'était magnifique de voir 500 000 personnes réunies pour un festival. J'espère qu'il y en aura d'autres. Ce serait bien.
Dick Cavett : Et pourquoi cette controverse au sujet de l'hymne national ?
Jimi : J'en sais rien. Je suis américain, alors je l'ai joué. On devait le chanter à l'école, alors j'ai eu un flashback
(rires)Dick Cavett : Cet homme était dans la 101ème aéroportée alors vos lettres d'injures...
Jimi : D'injures ?
Dick Cavett : Si on mentionne l'hymne national et qu'on parle de l'interpréter de façon extravagante, on reçoit forcément des lettres d'injures.
Jimi : Ça n'avait rien d'extravagant.
Dick Cavett: Ah bon ?
Jimi : J'ai trouvé ça très beau. Mais bon c'est comme ça.
(Applaudissements du public) Dick Cavett : L'extravagance dégage comme une beauté furieuse non ?
Jimi : Si.
(Jimi fait comme s'il allait dévorer Dick Cavett qui se prend au jeu)Dick Cavett : Je savais que vous feriez ça un jour, que vous perdriez la boule. Ça arrive que le col de votre chemise soit trop amidonné ?
(rires)Jimi : J'en sais rien. Je suis pas au courant de ces choses-là.
Dick Cavett : Ça fait longtemps que j'ai pas vu une aussi belle chemise. Pourquoi les grands groupes se séparent ? Il paraît que votre groupe se sépare, Big Brother s'est séparé.
Jimi : Sûrement pour se lancer dans des projets individuels ou faire autre chose que de la musique.
Dick Cavett : Des membres de votre groupe voudraient arrêter de faire de la musique ?
Jimi : Ou faire leur propre musique. J'essaye de créer un blues contemporain comme sur "Manic Depression". Noel Redding aime surtout ce qui et harmonique dans le chant etc. Il est allé en Angleterre pour monter un groupe.
Dick Cavett : Qui est-ce ?
Jimi : Noel Redding, le bassiste. Aujourd'hui on a Billy Cox à la basse. Je pense qu'après cette émission on va tout arrêter et se reposer. On bosse vraiment très dur depuis 3 ans.
Dick Cavett : Y a-t-il des soirs où ça ne marche pas ? Où vous voulez quitter la scène ?
Jimi : Voilà pourquoi je déteste les éloges. C'est embarrassant car vous vous savez ce qu'il en est vraiment. Les gens n'essaient pas toujours de voir ça. C'est comme un cirque qui arrive en ville et tout le monde se dit : "Génial." Mais dès qu'il part, tout le monde passe à autre chose. Mais c'est pas grave. C'est la vie. Et je trouve tout ça cool.
(rires)Dick Cavett : Vous passez pour être l'un des meilleurs guitaristes au monde.
Jimi : Oh non...
(rires)Dick Cavett : Disons l'un des meilleurs de ce studio en tout cas.
Jimi : Disons l'un des meilleurs assis à ma place.
Dick Cavett : Vous devez pratiquer tous les jours comme les violonistes ? Admettons que vous êtes en vacances, vous devez vous entraîner tous les jours ?
Jimi : J'aime jouer pour moi comme je l'ai fais avant de venir, ou avant de monter sur scène. Si je ne me sens pas bien ou déprimé, je joue. Mais ce n'est pas pour répéter. C'est comme une jam permanente. C'est difficile de mémoriser les notes car j'essaie constamment de créer.
Dick Cavett : Vous lisez la musique ?
Jimi : Pas du tout.
Dick Cavett : Ça vous arrive de tomber sur des gars de la 101ème ?
Jimi : Oui, je revois certains de mes amis.
Dick Cavett : Ils trouvent que vous avez une drôle de vie comparée à la leur ?
Jimi : Peu importe car il se passe tellement de choses en ce moment. Je ne peux pas m'arrêter et me dire : "Tiens, qu'est-ce qu'ils pensent de moi ?". Je ne peux pas penser comme ça. C'est ce que je fais depuis trois ans. Tant mieux s'ils sortent de ce truc, et qu'on se revoit. Je me sens chanceux par rapport à ça.
Dick Cavett : Vous êtes toujours à la recherche d'une femme ?
Jimi : Quelle femme ?
Dick Cavett : La femme. Vous n'êtes pas marié ?
Jimi : Non.
Dick Cavett : Vous pensez vous marier un jour ?
Jimi : J'espère pas.
(rires)Dick Cavett : Vous ne serez jamais le personnage principal d'un feuilleton alors !
(rires)Jimi : D'ici là ce sera tombé en désuétude.
Dick Cavett : On fait une pause...
(coupure) Jimi Hendrix est parti. Il se sentait vraiment mal. Je le remercie d'être venu. Il a tenu à venir après avoir raté l'autre émission. C'est un artiste brillant et je lui souhaite d'aller mieux.
Interview que l'on peut retrouver sur ce DVD :
Jimi Hendrix - The Dick Cavett Show