Norman (Field House, University Of Oklahoma) : 8 mai 1970 [Second concert] Titres :
1. Fire
2. Spanish Castle Magic
3. Machine Gun
4. Lover Man
5. Foxy Lady
6. Get My Heart Back Together
7. Message To Love
8. Red House
9. Star Spangled Banner
10. Purple Haze
11. Voodoo Child (Slight Return)
Source : Norman, Is That You Norman? (ATM 192)
Il existe un pirate "Audience" d'environ 65 minutes, de qualité moyenne. Il y a quelques cuts, ainsi que des fluctuations de vitesse qui, classiquement, ne vont pas en s'améliorant au fur à mesure que le concert avance.
Les instrument sont néanmoins relativement bien équilibrés (on entend même Mitch Mitchell !). Il y de la distorsion, mais elle reste supportable.
A noter : L’ATM 192 est une amélioration substantielle de l’ATM 052 ("Cherokee Nation"), avec suppression de cuts et autres variations de fréquence.
La première partie était assurée par un groupe de Fort Worth, du nom de Bloodrock.
Il n'existe à ce jour aucune source connue du premier show donné au Field House de l'université de l'Oklahoma ce 8 mai 1970.
Pas de setlist non plus.
Je vous livre toutefois le souvenir de Rick Vittenson, dont vous pouvez retrouver l'interview sur le site officiel : "J'ai assisté au premier concert. La musique semblait plus blues qu'au concert de Dallas [du 20 avril 1969]. C'était une performance vraiment différente. Il s'était éloigné de son coté pop de 1967/1968. C'était vraiment différent mais néanmoins brillant. Les spectateurs ont vraiment apprécié sa performance."
Première venue de Jimi dans cet Etat, c'est une des rares dates du "Cry Of Love Tour" où le groupe aligne deux concerts de suite, comme à l'époque du Jimi Hendrix Experience original. Ce sera aussi le cas à Berkeley trois semaines plus tard.
A ce stade de la tournée, le groupe présente d'ailleurs sa setlist la plus abordable : "Ezy Ryder", "Freedom" et "Room Full Of Mirrors", tous inédits alors, étant absents (mais sans doute joués lors du premier show), seuls "Lover Man" et "Get My Heart Back Together" étaient inconnus de l'amateur éclairé.
Sans surprise, le groupe débute avec "Fire". La version part sur de mauvaises bases : Hendrix n'est pas calé sur Mitchell lors de l'introduction, il ne chante pas le deuxième refrain... et se plante dans le solo, continuant à un endroit sa progression sur la même gamme malgré le changement d'accords.
Mais après la classique citation du "Outside Woman Blues" de Cream, Jimi ne reprend pas le chant, et laisse Mitch Mitchell prendre un solo de batterie de... 3 minutes 30 ! Vous l'aurez compris, Jimi a dû gérer un problème technique quelconque...
La reprise est d'ailleurs d'un autre niveau, mais la conclusion rapide du titre renforce le sentiment de décousu.
Les flottements du début ne sont plus qu'un souvenir sur "Spanish Castle Magic", dont la partie chantée est irréprochable.
Cette version est d'ailleurs aussi courte que celle de "Fire" pouvait être longue : seulement 4:20 !
Le solo central n'est pas construit comme d'habitude : Jimi commence cette fois-ci par de longues notes tenues en feed back, et c'est seulement ensuite qu'il place ses phrases rock rapides et agressives généralement placées en début de solo. Solo assez bref en l'espèce : environ 1 minute 30.
Le solo final est cette fois-ci très court.
Jimi propose à l'audience de "construire ensemble notre propre petit monde, d'oublier hier et demain, qu'on puisse être ensemble au moins pour quelques secondes (...), d'oublier les foutaises et la connerie"... puis dédie "Machine Gun" aux "soldats qui se battent à Chicago, Berkeley (il fait une pause, les acclamations montent du public à ce moment)... dans le Kent, l'Oklahoma."
Hendrix ne cite pas le Vietnam... mais il cite "Kent State" où 4 étudiants américains ont été tués en début de semaine (le 4 mai 1970) à Ohio (à l'Université du Kent).
Les évènements inspireront le célèbre "Ohio" de Crosby Still Nash & Young :
"Tin soldiers and Nixon coming,
We're finally on our own.
This summer I hear the drumming,
Four dead in Ohio."
Il va sans dire que les universités américaines, noyaux de la protestation anti-guerre, étaient alors en pleine ébullition.
Hendrix est à ce moment en symbiose complète avec son public. Cette version de "Machine Gun" est tenue par certains comme la meilleure jamais jouée par Jimi : à titre personnel, je trouve la qualité audio insuffisante pour trancher de la sorte.
Hendrix propose une sorte de prologue à l'introduction habituelle de "Machine Gun", très original, suite d'accords presque abstraits pas moments.
Les paroles de "Machine Gun" ont la simplicité des grands blues... mais aussi leur force émotionnelle.
Le solo central dure deux minutes... infinies.
Les premières notes, fulgurantes, déchirent littéralement l'espace sonore. Jimi joue de malaise ensuite avec une mélodie construite à partir de tirés étonnants. Comme au Fillmore quelques semaines auparavant, on est en plein Guernica musical : au-delà du bon goût, au-delà de la justesse. Le son se fait émotion, et Hendrix nous donne tout ce qu'il a en lui.
Une fois le riff "No Quarter" installé, Hendrix reprend les derniers couplets.
Le dernier solo démarre sur un énorme feed back, mais n'est pas dans un registre free : aux phrases néo-bluesy succèdent des variations autour de "Taps", puis du riff de basse. Un feed back se fait jour... mitraillé à coups de médiator.
Le public commence à applaudir... mais Hendrix joue alors le passage aquatique (où il mêle hammering et coups de vibrato), avec une mélodie fort différente de celle du Fillmore ce coup-ci. Et termine sans ultime largage de bombe une version EPOUSTOUFLANTE.
Sans doute pour détendre l'atmosphère, Jimi parle des "drôles de cigares" qui circulent... avant d'annoncer "Lover Man" en ironisant sur ce "type de 300 livres" dont la femme semble apprécier particulièrement la compagnie masculine. Sans surprise, c'est une nouvelle version solide qui nous est proposée.
C'est avec enthousiasme que l'audience accueille "Foxy Lady", accompagnant Mitch Mitchell en claquant des mains... mais la qualité audio se dégrade considérablement : la bande connaît d'importantes variations de vitesse (et par conséquent de justesse...) avant d'être tout simplement interrompue avant le solo central.
La vitesse de la bande ne se stabilise malheureusement pas tout de suite sur "Get My Heart Back Together". Les couplets en souffrent... mais les choses s'améliorent avec le solo central, qui dure environ deux minutes.
Il y reprend son fameux plan en trilles déclinées au vibrato (immortalisé lors de la version de "Machine Gun" du Fillmore) : il est vrai qu'il ne l'avait pas joué plus tôt ce jour. Par contre, il ne tourne quasiment pas autour du feed back (la tonalité de "Get My Heart Back Together" s'y prête pourtant bien).
Le chant du couplet s'écarte souvent des versions jouées lors des concerts précédents.
L'ultime solo est relativement court (environ une minute). Bonne version donc, mais sans développements sortant de l'ordinaire Hendrixien.
La version de "Message To Love" qui suit est jouée énergiquement, mais n'est pas chantée au mieux, et connaît quelques flottements...
Vient ensuite "Red House". A priori sur Gibson : on ne reconnaît pas le son cristallin de la Fender en son clair. Il y a de belles phrases blues lors de l'introduction (deux cycles de 12 mesures), mais celle-ci est malheureusement lestée par des problèmes de justesse.
Les deux couplets qui suivent, joués sur un tempo lent, montrent encore une fois que si c'est Hendrix le guitariste qui a marqué les esprits, il n'en demeurait pas moins un bon chanteur de blues.
Le solo, long de 36 mesures, dure plus de deux minutes tente.
Le premier cycle reste très blues, la rythmique carrée, même si Hendrix se lance dans des phrases rapides moins orthodoxes.
La rythmique se durcit lors du deuxième cycle où le jeu se fait plus intense. Mais on est loin de la furie des deuxièmes cycles proposés par l'Experience en 1969. Mitch garde ici le tempo, et Jimi ne se lâche pas non plus complètement.
Le troisième et dernier cycle est marqué par le retour au calme, avec un passage mêlant des slides et jeu en quartes.
Le couplet final est emprunt de nostalgie.
La version est ainsi plus orthodoxe (sans être puriste) et resserrée que par le passé. Intéressante, mais pas forcément inoubliable.
Hendrix dédie ensuite "Star Spangled Banner", que "nous avions l'habitude de devoir chanter sagement, (...) à ceux qui sont morts pour différentes causes, ceux qui mourront, et ceux qui combattent dans les rues", et précise qu'il va le jouer "tel qu'il est vraiment".
Un gigantesque feed back précède l'exposé du thème, défiguré à souhait. Encore une magnifique interprétation.
"Dans l'esprit de ce jour, pigez ça !" annonce-t-il.
Le public accompagne dès les premières notes "Purple Haze" de ses battements de main avec une ferveur étonnante.
Les problèmes de fluctuation de vitesse se rappellent malheureusement à notre souvenir.
Il transforme le texte du second couplet en remplaçant la fille par les poulets...
Le solo s'écarte assez largement de la version studio... mais il y a cafouillage avant la reprise du dernier couplet : Hendrix s'y reprend à deux fois pour jouer le thème.
Hendrix présente ensuite les membres du groupe pendant que les "More !" de la foule se font de plus en plus forts, et attaque l'introduction de "Voodoo Child (Slight Return)", coupé vers 3:30.
Outre la coupe, les variations de vitesse rendent l'écoute très difficile.
Au final ? Un concert réputé du "Cry Of Love Tour", dont il est aisé de constater la qualité de la performance. Peu de temps morts, et une magie qui n’appartient qu’à lui.