St Paul (St Paul's Civic Center) : 3 mai 1970 Titres :
1. Fire
2. Room Full Of Mirrors
3. Lover Man
4. Getting My Heart Back Together (Hear My Train A Comin')
5. Ezy Ryder
6. Machine Gun
7. Freedom
8. Foxy Lady
9. Red House
10. Star Spangled Banner
11. Purple Haze
12. Voodoo Child (Slight Return)
Source audio : "Does Everybody Feel Alright"
Il existe une seul source (un pirate "Audience" découvert il a quelques année seulement), mais celle-ci a donné lieu à plusieurs pirates.
Si "Does Everybody Feel Alright" passe à la bonne vitesse, le "3 May 1970 St Paul Civic's Centre Minnesota" est notablement accéléré (de plus d’un demi-ton ! Ce qui fait que "Fire" se retrouve en Ré, comme si Hendrix ne s'accordait pas un 1/2 ton en dessous).
La qualité audio est très moyenne, mais constante. Les titres plus calmes s'en sortent mieux ("Getting My Heart Back Together" par exemple). La guitare et la voix de Jimi sont devant, mais souffrent de la distorsion de la bande ; Mitch et Billy sont plus ou moins audibles selon les moments.
Le répertoire est presque identique à celui présenté la veille au Dane County Memorial Coliseum de Madison, et la sainte trilogie Hendrixienne* est de nouveau à l'honneur... pour notre plus grand plaisir !
* "Getting My Heart Back Together", "Red House" et "Machine Gun"
Deux groupe avait en charge de chauffer l'audience : Savage Grace et Oz.
"Nous avons Mitch Mitchell à la batterie, qui martèle au loin, Billy Cox à la basse, et votre dévoué à la cabine saxophonique."
Sans surprise, le groupe débute avec "Fire" (qu'il introduit dans un premier temps comme "Let Me Stand Next To Your Old Lady").
Le groupe fonce à deux cents à l'heure, ne laissant rien sur son passage. Le solo central de Jimi, plus long qu'à l'accoutumée, n'est pas conclu par la traditionnel citation de Cream. Le deuxième solo n'est pas moins sauvage.
La foule est en délire !
Hendrix dédie le titre suivant "à ceux qui écoutent", provocant ainsi l'hilarité d'une partie du public.
"Putain, je suis complètement désaccordé, attendez une minute... Rien à foutre, les cow-boys sont les seuls qui restent accordés de toute façon."
Il présente ensuite le thème de "Room Full Of Mirrors" : les tournants que l'on peut avoir dans sa vie, l'envie de sortir de son quotidien et découvrir ce que le monde a à nous offrir.
Le solo de Jimi est relativement court, Billy Cox semble s'arrêter de jouer sur la fin. La version semble solide... pour autant qu'on puisse en juger malgré la qualité audio.
Là encore, Jimi présente un coda intéressant ("I'm Alright now").
Le thème de "Lover Man" est résumé dans le titre qu'il donne ce soir au morceau : "Look Out Baby, I Must Be Splitting, 'Cause Here Comes Your Lover Man" ("Regarde dehors chérie, je dois gicler, car il y a ton amoureux qui arrive") !
Hendrix aimait manifestement bien les femmes... des autres !
Le rythme est légèrement moins rapide que lors des deux autres performances du week end, mais le tempo reste très rock. Les arrangements sont désormais établis, et la citation du "Vol des bourdons" en deuxième partie de solo incontournable.
Version carrée et réussie donc.
"J'aimerais euh... je sais pas vraiment. J'aimerais jouer un blues lent à propos de ce mec qui se sent mal, parce que sa meuf l'a laissé tomber, ses proches et sa famille ne veulent pas de lui dans le coin alors il a toujours ce vieux gros air renfrogné. Et comme euh... il traîne son cul jusqu'à la gare, attendant que le train vienne afin de l'emmener sur la route, pour être un Voodoo Child, un Magic Boy, puis revenir. Et le faire une fois de plus à sa meuf, lui filant un morceau parce qu'elle est de nouveau gentille avec lui... (Rires de l'audience)
[Avec une voix comique :] Voilà de quoi cette chanson parle, merci beaucoup.
Elle s'appelle "Getting My Heart Back Together".
L'introduction sert de mise en jambe guitaristique, et semble être l'occasion d'investir le titre émotionnellement de tout son être.
Hendrix vit ce texte autobiographique : le chant des deux premiers couplets est véritablement habité.
Le solo qui suit, de presque 5 minutes, est à la hauteur de toutes les espérances qu'on peut placer en lui.
Il part tout de suite sur une base très intense, dans un registre aigu. A partir de 4:20, hendrix met le turbo et joue à une vitesse supersonique... malheureusement suivi d'une légère perte de volume sur la bande.
Le solo devient cri avant 5:30 lorsque Jimi monte un mur de feedback avant de jouer des trilles dans le style de la version officielle de "Machine Gun".
Suivent quelques traits blues noyés dans le feedback, véritable magma sonore : la violence est à son apogée.
Mais l'intensité fait place au calme d'un seul coup, et quelques traits à la wah wah préparent la reprise du chant.
Le solo final repart sur des bases très intenses, mais plus contrastées.
Cette version, proche de celle jouée à Berkeley (immortalisée sur "Rainbow Bridge") est exceptionnelle.
"Ezy Ryder", dont il va sans dire que les couplets sont joués à un niveau sonore plus élevé, souffre d'une qualité audio inférieure. L'énergie développée est impressionnante. Il me semble que les versions ont tendance à s'améliorer, soir après soir.
Hendrix présente ensuite "Machine Gun" :
"Yeah, on pourrait aussi bien jouer un autre blues lent, dès qu'on sera accordé. On dédie celle-là aux soldats qui se battent à Milwaukee, et, euh, Chicago, Philadelphie, oh oui, au Vietnam et au Cambodge, ne les oublions pas. Là encore. Il y a tellement de guerres qui se déroulent pourtant, c'est en fait dédié à un certain nombre d'autres personnes qui luttent face à des guerres qui jouent en leur propre sein, vous voyez ?"
Là encore, les propos de Jimi sont pour le moins autobiographiques : n'a-t-il pas dit, lors de son interview du 4 février 1970, menée par John Burks pour Rolling Stone qu'au Madison Square Garden (le fiasco final du Band Of Gypsys), il avait affronté la plus grande guerre intérieure de toute sa vie ?
Dès sa courte introduction, Hendrix joue dans un registre assez intense. Et ce sont de véritables cris guitaristiques qui répondent aux phrases du premier couplet.
Couplets fascinants : jamais personne n'avait poussé le blues chanté dans de tels retranchements.
Le solo central commence par la même séquence de tirés que sur la version officielle (mais il reste plus longtemps dessus). La suite est d'ailleurs bâtie selon un schéma similaire.
La fin est par contre inédite : il joue sur le sustain de quelque notes, laissant au feedback le soin de les prolonger à sa guise.
Mais l'ambiance retombe d'un seul coup : il s'arrête de jouer net, un problème technique n'étant pas à exclure.
Il lance ensuite la rythmique "No Quarter", qui précède la reprise du chant. La voix de Jimi explore un registre inhabituel, presque parlé, plus proche de la confidence.
Son aquatique et jeu free caractérisent la fin du titre, manifestement plus resserrée.
Bonne version... mais avec un sentiment d'inachevé tout de même.
Les contraintes techniques des bootleggers ont souvent des conséquences drastiques : "Freedom" est amputée de son introduction. Le tempo est assez lent, et la bande connaît des variations rendant l'écoute difficile.
Le groupe s'interrompt avant la reprise du dernier couplet, après le pont consécutif au solo. La difficulté de ce passage en Live, qui s'est traduite cash les jours précédents, l'a peut-être incité à plus de prudence ?
Même sans ce passage, "Freedom" reste un des moments faibles de la soirée.
Hendrix commence à deux reprises le riff de "Spanish Castle Magic"... mais bifurque rapidement sur le feedback introduisant "Foxy Lady". Haut volume sonore et qualité audio se mariant difficilement, il y a beaucoup de distorsion.
Classiquement, Hendrix part du solo de la version studio, mais il reprend le chant assez rapidement, et conclut de même.
L'accueil du public est, sans surprise, très favorable.
Suit "Red House", pour la deuxième version du "Cry Of Love Tour". Comme la veille, le tempo est lent. Durant l'introduction, le jeu de Jimi respire véritablement. Il joue avec les silences, en son presque clair, dans un style orthodoxe.
Le chant de Jimi est très beau. Nuancé. Implorant par moments, nostalgique à d'autres, il y a beaucoup d'émotion.
Le solo central est étonnamment court : seulement deux cycles de 12 mesures.
Si son jeu est moins blues que lors de l'introduction, plus nerveux, il fait tout de même preuve d'une réserve inhabituelle, et ne bascule jamais dans le registre thermonucléaire. On est globalement plus proche du "Bleeding Heart" du RAH que des versions telluriques de 1969.
C'est une version intéressante : certes, on aime Hendrix quand il fait du Hendrix... mais l'entendre jouer une version plus blues de "Red House" est paradoxalement inédit !
"Yeah, tout le monde se lève pour ce numéro, pour qu'on s'aide les uns les autres, avec l'hymne national, parce qu'on est tous Américains n'est-ce pas ? (...) Tout le monde debout, parce qu'on va le jouer tel qu'il est vraiment."
"Star Spangled Banner" est encore une fois très réussie... à l'image des autres versions jouées depuis le début de la tournée.
La spécificité de cette version réside dans l'introduction du texte même de l'hymne (voir en fin de chronique) par Jimi ("...but the flag was still there" [...notre drapeau était toujours là]) au milieu d'un lâcher de bombes guitaristiques... véritable bande-son de la phrase précédente du couplet ("Et la lueur rouge des fusées, les bombes éclatant dans l'air").
Comme à Woodstock, Jimi enchaîne par un "Purple Haze" où, miraculeusement, il n'est pas complètement désaccordé !
Lors du second couplet, il loupe la seconde phrase et improvise un "Whatever it is, that pig over there put a spell on me !" (Quoiqu'il en soit, ce poulet m'a jeté un sort !) en lieu et place de la dernière : règlement de compte ?
Force est de constaté qu'en ce printemps 1970, par son attitude, Hendrix incarne la contre-culture, dépassant largement son rôle de musicien érotico-électrique initial.
Le solo est là encore calqué sur celui de la version studio, mais Hendrix développe un peu son discours avant de reprendre le dernier couplet. La réponse du public est excellente.
Version énergique... du Hendrix quoi !
Désormais classiquement, c'est avec "Voodoo Child (Slight Return)" que le groupe termine sa performance. Ne souffrant pas de problème de justesse cette fois-ci, la puissance du titre peut s'exprimer pleinement.
Etrangement, Hendrix ne chante pas le refrain consécutif au premier couplet.
Le solo central suit grosso modo la trame habituelle... mais la distorsion audio importante plombe la qualité musicale. Dommage, car Hendrix semble bien maîtriser son sujet.
Jimi profite du second couplet pour caser la rythmique du "Cat's Squirrel" de Cream.
A noter qu'il ne chante cette fois-ci que trois fois le passage "If I don't see no more in this world"...
Beaucoup d'intensité dans le dernier solo, avant un premier passage joué avec les dents, précédant le riff de l'intro et un a capella final avec les dents...
La chronique publiée le lendemain dans le St Paul Dispatch titrait : "Jimi Hendrix met le spectacle de coté pour se concentrer sur sa guitare". Le journaliste (Marshall Fine, un nom prédestiné !) met au crédit de Jimi ses qualités d'instrumentiste et de musicien, désormais débarrassé d'une gestuelle impressionnante mais inutile. Il trouve la performance supérieure à celle qu'il avait vu précédemment (le 2 novembre 1968 au Minneapolis Auditorium).
Au final ? Un sacré concert donné par Jimi et son Band ce soir-là !
Comment la rumeur selon laquelle Jimi Hendrix était fini a-t-elle pu alors se répandre dans de telles proportions ?
Sources documentaires : Just Ask The Axis, Univibes.
Traduction du premier couplet de "Star Spangled Banner" :
"Ô, dis, peux-tu voir à la lumière précoce de l'aube
Ce que nous acclamâmes si fièrement à la dernière lueur du crépuscule ?
Dont les larges bandes et étoiles lumineuses pendant le combat dangereux
Sur les remparts que nous surveillâmes brillaient si noblement.
Et la lueur rouge des fusées, les bombes éclatant dans l'air,
Montrèrent à travers la nuit que notre drapeau était toujours là."