Sacramento (Cal Expo) : 26 avril 1970 Titres :
1. Lover Man
2. Spanish Castle Magic
3. Freedom
4. Machine Gun
5. Foxy Lady
6. Room Full Of Mirrors
7. Ezy Ryder
8. Purple Haze
9. Star Spangled Banner
10. Voodoo Child (Slight Return)
Source :
ATM 049 (couplé avec le reliquat du concert donné au LA Forum le 25 avril 1970)
C’est un pirate "Audience", d'une cinquantaine de minutes, enregistré par Bruce Stein. A ce jour, c'est la seule source connue de ce concert.
La seconde performance du nouveau groupe de Jimi Hendrix n'est en fait séparée du concert donné la veille au Los Angeles Forum que de quelques heures. Fait assez rare pour être souligné, les photographies prises à l'occasion présentent un Jimi Hendrix portant les mêmes vêtements aux deux concerts : peut-être est-ce la conséquence d'une première fêtée comme il se devait ? Selon les témoignages, Hendrix avait toutefois peu de chance de s'endormir sur scène suite à une éventuelle nuit blanche car le vent soufflait fort sur le "Cal Expo" (un champ de foire) de Sacramento ce 26 avril 1970 après-midi.
Le Blue Montain Eagles, suivi du Buddy Miles Express avaient pour mission de chauffer le public californien.
Le concert est plus court que celui donné la veille (d'une bonne demi-heure !), et présente un répertoire uniquement composé de titres déjà joués au LA Forum, dans un ordre différent toutefois.
Selon les critères de l'époque, l'enregistrement pirate est de qualité moyenne au début (si la basse est bien présente, la batterie est là encore presque virtuelle ; la guitare et la voix sont audibles), mais médiocre sur la fin : alors que la prise de son est assez claire sur "Lover Man" ou "Spanish Castle Magic", elle se détériore de "Machine Gun" à "Room Full Of Mirrors", et la saturation de la bande se fait malheureusement cruellement sentir de "Purple Haze" à "Voodoo Child (Slight Return)".
Le concert débute par "Lover Man", l'extrapolation du "Rock Me Baby" de B.B. King dont il ne reste de blues qu'une part de la structure harmonique. C'est en effet un brûlot rock concis (moins de trois minutes), où l'improvisation cède la place à un numéro musclé, parfaitement en place. De même que lorsqu'il ouvre ses concerts avec "Fire", il inflige ici une bonne décharge de rock à son audience, qui est ainsi tout de suite mise dans le bain.
Contrairement à la version de la veille, "Spanish Castle Magic" est cette fois prétexte à de longs développements, qui constituent le point d'orgue du concert (enfin, au moins de cet enregistrement, compte tenu de la qualité audio).
Après deux couplets/refrains parfaitement exécutés, Hendrix se lance dans un long solo de plus de 6 minutes particulièrement réussi. Si le titre servait parfois de prétexte à une longue jam lors de nombreuses versions de l'Experience, on reste ici dans l'extrapolation d'un thème, avec une utilisation du feed back impressionnante. Dans un premier temps par dessus des accords (vers 2:15) , il renoue avec un esprit proche de ses citations passées du "Tomorrow Never Knows" en utilisant le feed back pour faire respirer son jeu, et mettre en valeur son sens mélodique (sur plus d’une minute).
Il instaure un climat plus calme à la 7ème minute, puis utilise sa guitare comme des percussions...
...mais au lieu de reprendre le chant, Hendrix lance le riff de "Freedom".
Les deux morceaux partageant la même tonalité (en Do, même si les deux titres sont joués en Do# du fait qu'Hendrix s'accorde un demi-ton en-dessous), la transition passe comme une lettre à la poste.
La version est correcte, d'autant qu'il ne se risque pas à vraiment reprendre le dernier couplet (où il était à la peine la veille).
La prise de son sur "Machine Gun" est assez médiocre : la basse est certes bien présente, mais le rendu de l'unisson chant/guitare caractéristique des couplets est très moyen.
Le solo, vraiment intense, part sur de très bonnes bases... mais dès qu'il laisse le registre des aigus pour jouer dans les graves ou les médiums (et c'est le cas au milieu), il devient aussitôt nettement moins audible. Dommage.
Le groupe attaque le riff "No Quarter" pour le (seul) couplet de reprise (où Hendrix imite à un moment en feed back les choeurs de Buddy Miles !)
Le solo free du coda est construit selon le même schéma que la version officielle du Band Of Gypsys, mais en plus raccourci.
Un peu à l'image de cette version dans son ensemble, où il manque le "petit plus" des grands jours pour vraiment retenir notre attention.
"Foxy Lady" est accueillie par les acclamations de la foule. Le second couplet connaît un problème de prise de son (déplacement du micro ?).
Contrairement à la veille, le solo est calqué sur la version officielle, pour une version courte, solide, mais sans surprise.
La qualité audio médiocre de "Room Full Of Mirrors" rend son écoute plus compliquée... Le solo central est court et efficace, compensant un chant sans doute parasité par la concentration requise par la performance instrumentale.
"Ezy Ryder", introduit par la frappe de Mitch Mitchell souffre des mêmes maux que le titre précédent : le format du trio complique considérablement la tâche sur les arrangements compliqués des titres en devenir. Le solo est d’ailleurs assez moyen.
A ce stade, on peut relever un des paradoxes de la dernière tournée US de 1970 : alors que Jimi se plaignait souvent du fait que son public réagissait mieux aux classiques de l'Experience qu'à ses nouveaux titres, force est de constater que ce qu'il proposait n'était pas toujours de nature à enthousiasmer son public autant que les grands classiques de son répertoire.
Le son semble s'éloigner encore sur "Purple Haze".
Le solo central commence sur les mêmes bases que la version studio, mais s'en éloigne assez rapidement, et évolue vers des idées assez proches de celles développées à Woodstock.
Au final, c'est une version assez solide, où le traditionnel coda en solo...
...se prolonge par une version de "Star Spangled Banner", inversant la séquence immortalisée à Woodstock l'an passé.
Souvent épargnée des affres des enregistrements "Audience" parce qu'a capella, l'hymne américain souffre malheureusement lui aussi de la qualité audio de la bande.
Pour autant, Hendrix nous livre une version intéressante de "Star Spangled Banner", où l'on ne note pas de réactions hostiles comme la veille.
Il enchaîne directement sur la fameuse introduction à la wah wah de "Voodoo Child (Slight Return)".
Le solo central semble assez inspiré et intense, dans la lignée de la plupart de ses improvisations sur ce titre.
Lors du second couplet, comme la veille, le passage "If I see you no more in this world" est répété 4 fois de suite avant de repartir en solo.
Dès qu'Hendrix sort du registre aigu, le tout devient trop confus pour vraiment ressentir ce qui a été joué.
Au final ? Un concert solide, sans problème de justesse, bref professionnel. Trop ? Pour remporter toute mon adhésion, il manque peut-être un peu de la folie et du feu de la veille.