Enregistrement "Audience", vitesse corrigée (+ 4,6 %), d'une heure environ.
La qualité audio varie considérablement d'un titre à l'autre, voire au sein d'un même morceau. Dès que le volume sonore de l'Experience dépasse un certain stade, le niveau de l'enregistrement bascule dans le rouge et le son devient très saturé. Etrangement, quand Hendrix part en solo, sa guitare ne souffre pas trop de cette distorsion et reste tout à fait écoutable ! Lorsque le niveau sonore est moins élevé, le son est par contre tout à fait correct, et plutôt bien équilibré pour un pirate "Audience".
C'est à Soft Machine que revenait la mission de chauffer l'assistance de ce concert donné le 3 août 1968 au Moody Coliseum de Dallas.
Le répertoire de ce concert texan a de quoi retenir notre attention : outre le "Dear Mr Fantasy" de Traffic (dont il n'existe qu'une seule autre version, disponible sur le Dagger "Paris 1967/San Francisco 1968"), nous est offert une version du "Rock Me Baby" de B.B. King différente de celles proposées par le passé.
"Mitch Mitchell à la batterie, Noel Redding à la basse, le Jimi Hendrix Experience !"
Le groupe attaque par "Dear Mr Fantasy", dont c'est l'unique version chantée par l'Experience. Le groupe se sert plus de la composition de Traffic comme tremplin à leurs improvisations que comme partition suivie à la lettre : Hendrix ne connaît manifestement pas les paroles, et la grille d'accords se résume à des variations sur la rythmique des couplets. Pour autant, et c'est là une des forces de Jimi, le titre va largement au-delà de la jam informelle. Après une introduction a capella, où Hendrix joue le type d'accompagnement dont il raffole sur les ballades (où accords et mélodie ne sont plus vraiment différenciés), il entame les couplets d'une voix reprenant les inflexions de Steve Winwood... non sans talent ! Le premier solo est relativement sobre, même si on sent la puissance du guitariste derrière la retenue qui s'étiole au fil des notes. Un couplet de transition est suivi d'un second solo, dont la construction est l'exact inverse de celle du premier.
L'Experience enchaîne directement avec "Rock Me Baby". On notera qu'à ce stade, "Lover Man" existait déjà : Hendrix ne rejouera "Rock Me Baby" qu'une seule fois par la suite. La version jouée ici est relativement classique dans sa première partie. Vers la cinquième minute, Mitch Mitchell entame un solo de batterie d'environ une minute... au terme duquel, surprise ! l'Experience change complètement de climat, et improvise dans un ternaire presque jazz tout à fait délicieux. Hendrix chante quelques variations autour du titre, avant de reprendre sur la rythmique rock initiale et clore le morceau par sa traditionnelle descente chromatique d'accords. Il n'y a pas à dire : ce début de concert est particulièrement réjouissant !
Pour l'auditeur du pirate, les choses se gâtent avec "Foxy Lady" : le niveau du volume sonore, certainement supérieur, se traduit par une saturation importante. Difficile de se prononcer sur la partie chantée... Comme je l'ai précisé lors de l'introduction, la guitare passe relativement bien lors du solo (alors que le reste se s'améliore pas). Solo qui s'écarte habilement de la version studio.
Que Jimi dédie "I Don't Live Today" aux amérindiens n'est pas surprenant, mais qu'il dédie aussi ce titre aux soldats qui se battent à Washington DC... et au Vietnam l'est nettement plus : c'est dans des termes quasi similaires qu'il présentera "Machine Gun" en 1970. Mitch Mitchell lance l'introduction de batterie avant même que Jimi puisse finir de se réaccorder ! Les deux soli sont violents, mêlant rock et passages free à la perfection. Hendrix explique ensuite (son grand classique !) que le groupe s'accorde parce qu'ils font attention aux oreilles des spectateurs... et c'est pour ça qu'ils ne jouent pas si fort !
Suit "Hey Joe", dans une version correcte : Il y a certes quelques problèmes de justesse, mais ceux-ci ne sont pas plombants. Et les soli de Jimi sont bien sentis.
L'introduction de "Fire" dure un peu plus qu'à l'accoutumée : Hendrix joue même quelques traits en solo. La version ne déçoit pas, mais c'est un titre où l'Experience ne se rate que très rarement.
Vient ensuite "Red House", qui s'étire sur presque 14 minutes. Hendrix nous gratifie d'une longue introduction (3 cycles de 12 mesures... soit un de plus que la plupart du temps), où il joue en son clair des phrases très blues, se concentrant véritablement sur son phrasé : les nombreux tirés explorent toutes les subtilités du genre. On est dans un registre assez proche d'Albert King. Les deux couplets chantés sont dans le prolongement de l'introduction... alors que le solo central marque une nette rupture. Le premier cycle est joué avec un son très agressif (et un effet se rapprochant de l'Octavio), basculant dans la tourmente la plus totale lors du deuxième cycle, où le groupe entier part dans tous les sens. Nouvelle rupture avec le troisième cycle : l'ambiance retombe complètement, Hendrix alternant jeu en accords slappés et phrases blues très claires sur plus de trois minutes. Hendrix remet le turbo lors du dernier cycle, ultime décharge tellurique avant le couplet final.
Jimi annonce qu'il a une mauvaise nouvelle, et qu'il s'excuse de devoir jouer son dernier titre. Une courte intro bruitiste laisse ainsi la place au riff de "Purple Haze". Lors du second couplet, il chante clairement "Excuse me, while I kiss this guy" ! Il utilise à nouveau l'effet modulant les notes à l'octave lors de son solo central, très proche de la version studio. Jimi se trompe dans les paroles du dernier couplet... et termine par "Taps", une citation qu’on retrouvera par la suite, notamment sur "Machine Gun" (ou sur l’hymne américain à Woodstock).
L'Experience enchaîne directement sur "Wild Thing".. mais après un rapide premier couplet, le groupe abrège en proposant un final apocalyptique.
Au final ? Certes la qualité audio n’est pas toujours optimale… mais l’Experience est alors au sommet de sa force de frappe. L’amateur éclairé se doit de jeter une oreille à ce concert.
Electric Thing
Messages : 2072 Date d'inscription : 04/06/2010 Age : 53 Localisation : Légèrement à gauche de Saturne !
Sujet: Re: Dallas (Moody Coliseum) : 3 août 1968 Mar 20 Juil 2010 - 20:21
Le clou étant bien sûr la version de "Dear Mr Fantasy".
Superbe reprise, où l'on sent Jimi très appliqué !
L'intro, comme le souligne Ayler, est sublime... Le chant, légerement trop ralenti, est difficilement critiquable, vu la qualité médiocre de l'enregistrement.
Deux très bons soli pour exploser le tout et voilà une excellente version !
Purple Jim
Messages : 2459 Date d'inscription : 09/07/2010
Sujet: Re: Dallas (Moody Coliseum) : 3 août 1968 Sam 22 Jan 2011 - 17:18
DALLAS NOTES - by R.J. Dupree:
Source inconnue : “The evening.. .crept up upon the surging crowds outside SMU’s Moody Colesseum [sic] Moody Colesseum Home of the SMU Jocks and sweatsocks crowd? Yeah, but what the hell, ‘cause tonight they were gonna have the heavy music laid on ‘em all by that Sexy Superspade, that musical H. Rap Brown, that Soul Brother of Psychedelia, Jimi Hendrix! (Say, man.. .ain’t he the cat who humps his guitar? Wow!) The colesseum was filled with lots of beautiful people with their bells, beads, and Nehru shirts (not to mention their appropriately subversive buttons), and who cared if SMU’s personal Gestapo were rudely ordering people on the lower floor to get drinks and cigarettes the hell out of there. (‘Listen, kid, the floor’s just been waxed for basketball season, y’ understand’?) Who cared if Grady Newton (University Park’s top meter maid and part-time nark) and his SS troopers carried cans of chemical mace at all times? It was a rock concert... a time of love and joy, a time of... ‘Get the hell away from the stage, kids, or...’ Anyway, lots of dope had been consumed, so who really gave a damn.
“Jimi Hendrix and his two sidemen came onto the stage, and were greeted by the standing, screaming, shouting crowd. Hendrix and his men launched into two songs that have not yet been released on record, and the crowd grooved along with them. The next song a lesser known one from their first album, Hendrix dedicated ‘to our soldiers fighting in Washington and Detroit...’ and ‘to the American Indian’. Now Hendrix was removing his Fender guitar and replacing it with a small, fine quality Les Paul Gibson guitar... and Jimi did the blues.. .Jimi became blues, it was ‘Red House’, a number that was on (the British ‘Are You Experienced?’ album. Jimi was trying to show his audience that he was a musician and not just a show-off spade. The audience yelled ‘Play ‘Fire’! ‘, ‘Do ‘Purple Haze”. But Hendrix didn’t want this to be another Jimi Hendrix Golden Hits night, and said so, adding that they were experimenting. He started to do a Dylan number, but the goddam p. a. system was sure to make the lyrics fuzzy, so he decided not to do the Dylan thing. Then he said to hell with it and started pleasing the crowd. He does ‘Foxy Lady’ and ‘The Wind Cries Mary’ and ‘Hey Joe’ and ‘Fire’ and, yes ‘Purple Haze’ with a bit of ‘Wild Thing’ thrown in for good measure. And the crowd went wild. Yells and screams pierced the air and everyone was feeling good. Jimi launched into ‘Wild Thing’ with a bit of destruction shtick before it was all suddenly over and the SMU Mace- carrying pigs roughly escorted Hendrix off-stage because he had gone over his time limit and besides there might he a riot (which would make it a first in Dallas rock-concert history), the cops reasoned.”
Sujet: Re: Dallas (Moody Coliseum) : 3 août 1968 Mer 12 Mai 2021 - 12:27
Super concert, Mr Fantasy est à pleurer, des frissons, le Hendrix stratosphérique qui est la raison pour laquelle nous écoutons tant sa musique. Super son de sa guitare aussi, et les autres morceaux valent le détour. Red House très très blues. Mon concert préféré depuis le début de 68 pour l'instant. Seul bémol la qualité sonore.