Radio One (1988)
Face 1
1. Stone Free
2. Radio One Theme
3. Day Tripper
4. Killing Floor
5. Love Or Confusion
6. Catfish Blues
Face 2
1. Drivin' South
2. Wait Until Tomorrow
3. Hear My Train A Comin'
4. Hound Dog
5. Fire
Face 3
1. Hoochie Koochie Man
2. Purple Haze
3. Spanish Castle Magic
4. Hey Joe
5. Foxy Lady
6. Burning Of The Midnight Lamp
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Radio One" est certainement l'une des plus grandes réussites de l'ère Alan Douglas. C'est une compilation des enregistrements effectués par le Jimi Hendrix Experience en 1967 pour le compte de la BBC, qui consacra pas moins de cinq de ses programmes au groupe. Depuis les années 50, la radio anglaise avait pris l'habitude de ne pas passer les versions officielles des groupes auxquels elle consacrait ses programmes, leur préférant des enregistrements effectués dans des conditions proche du Live dans ses studios. Les parties vocales étaient en effet souvent enregistrées en overdubs.
Pour notre plus grand bonheur, l'Experience ne se contenta pas de rejouer les compositions sur lesquelles elle planchait dans des versions similaires : une bonne partie du matériel présenté ici était tout simplement inédit du répertoire officiel !
L'intégralité de ce recueil initialement publié en 1988 se retrouve désormais sur le "BBC Sessions" publié 10 ans plus tard par Experience Hendrix LLC. "Radio One" est moins complet (3 faces !), mais plus dense : c'était l'album idéal pour découvrir le Jimi Hendrix Experience !
"Radio One" s'ouvre sur un "
Stone Free" absolument remarquable. Enregistré ici lors de la première émission, le groupe tourne déjà à plein régime. Très proche de la version studio publiée en face B de "Hey Joe", cette prise est peut-être encore supérieure. L'interprétation gagne en effet en personnalité en s'éloignant du rhythm and blues.
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Just turn that dial !
Make your music wothwhile !"
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Radio One Theme" témoigne de la spontanéité de l'Experience, qui enregistra en direct ce jingle en l'honneur de la radio anglaise.
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Day Tripper" est particulièrement intéressante : c'est la seule et unique version de l'Experience de ce titre des Beatles. On entend à quel point l'Experience pouvait être explosive lorsqu'elle donnait le meilleur d'elle-même.
Jimi glisse un petit clin d'oeil à Owsley Stanley, l'un des pères du LSD, en demandant "
Oh ! Owsley, can you hear me now ?" avant d'attaquer son solo.
Contrairement à ce que les notes de pochettes pourraient laisser penser, ce n'est pas John Lennon qui se charge des chœurs. Un tel doute ne risquait pas de planer pour la guitare et la batterie !
De la seconde émission à la BBC, les producteurs ont retenu les trois titres du groupe enregistrés le 28 mars 1967 pour le "Saturday Club". C'est peut-être la séance la moins impressionnante des cinq, mais plus en raison de la prise de son que pour la prestation musicale elle-même.
Les voix sont très en avant, et donnent le sentiment désagréable d'un copié-collé avec le trio guitare/basse/batterie : leur propreté contraste trop à mon sens avec la rugosité de la section rythmique.
C'est regrettable pour "
Killing Floor", d'autant que c'est la seule version studio connue à ce jour de cette composition d'Howlin' Wolf, magnifiée quelques semaines plus tard au Monterey Pop Festival.
Si on se fie aux notes de pochette, suit la "seule version Live connue" de "
Love Or Confusion" : ce n'est pas exactement le cas, dans la mesure où le chant de Jimi a sans doute été enregistré ici en overdub. Pour autant, c'est une prise particulièrement réussie, très proche de la version officielle. Superbement chantée, elle est aussi plus brute (il n'y a qu'une seule partie de guitare).
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Catfish Blues" est l'un des moments forts de "Radio One". Souvent joué par l'Experience, c'est dans ce blues de Muddy Waters que se trouvent les racines du "Voodoo Chile" de Jimi Hendrix. Mitch Mitchell se fend d'ailleurs d'un solo de batterie, ce qui n'était pas chose courante sur un blues lent alors. Ni depuis d'ailleurs.
Le solo de Jimi est ici relativement court, mais vraiment intense.
Là encore, il faut souligner la qualité de la prestation de Jimi en tant que chanteur : contrairement à la plupart des musiciens rock d'alors, il est loin d'être ridicule. C'est même "
the real thing".
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I rolled and I tumbled,
Cried the whole night long"
Lorsqu'il chante ce passage du "If I Had Possession Over Judgment Day" de Robert Johnson à l'unisson avec sa guitare, sa voix est impressionnante d'autorité : comment a-t-il pu complexer à ce point sur ses qualités vocales ?
Jimi ne complexait pas sur ses qualités guitaristiques. A l'écoute de "
Drivin' South", on comprend aisément pourquoi : dès 1967, la guitare blues s'était trouvé son plus grand virtuose. Jimi est ici étincelant. Puissant et subtil à la fois, parfaitement articulé, son solo atteint une perfection inégalable. UN SOMMET.
En comparaison, "
Wait Until Tomorrow" sonne forcément un peu plus léger. Mais c'est une belle interprétation de ce titre du deuxième album de l'Experience, jamais joué en concert, et de facto assez rare pour qu'on l'apprécie.
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Hear My Train A Comin'" était alors encore en gestation quand il a été enregistré en décembre 1967. La grille d'accords du titre évoluera par la suite, contribuant à renforcer l'intensité dramatique de la composition.
La présence de public dans le studio n'est pas sans évoquer la version studio de "Voodoo Chile" enregistrée quelques mois plus tard.
Si la partie vocale n'est pas encore arrivée à maturité sur cette prise, le solo est déjà énorme. Noel Redding et Mitch Mitchell rendent coup pour coup à Jimi, faisant considérablement monter l'intensité lors des passages instrumentaux.
Un "Get My Heart Back Together" pas encore abouti donc, mais dont le potentiel est déjà perceptible.
La bonne humeur du groupe était manifeste lors de l'enregistrement de "
Hound Dog". Un peu trop peut-être : les aboiements enregistrés en overdubs font perdre à l'interprétation, pourtant remarquable (et personnelle) de sa puissance initiale.
Issu de la même séance que "Killing Floor", "
Fire" souffre des mêmes problèmes : l'interprétation est excellente, mais souffre d'un rendu sonore un peu artificiel.
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Hoochie Koochie Man" est un autre classique de Muddy Waters. Contrairement à "Catfish Blues", ce titre ne sera presque jamais joué en concert : la seule version connue est celle jouée le 28 février 1968 à Milwaukee. A l'écoute de leur prestation (timidement accompagnée par Alexis Korner à la slide), on peut d'ailleurs le regretter car c'est une performance thermonucléaire, autrement plus réussie que celle du Band Of Gypsys publiée sur "Loose Ends". Un autre point d'orgue de "Radio One".
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Purple Haze" est aussi issu de la séance du 28 mars 1967, mais le résultat est nettement plus convaincant. L'aspect un peu décalé du traitement audio de la session passe nettement mieux sur un titre psychédélique que sur un blues ou un rock endiablé.
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Spanish Castle Magic" provient de la même séance que "Hear My Train A Comin'" : l'enregistrement témoigne de la bonne ambiance qu'il y avait dans le studio. Pour le reste, c'est une version proche de la version studio. C'est par la suite que ce titre deviendra le théâtre de longues improvisations.
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Hey Joe" a logiquement été enregistré lors de la première prestation de l'Experience à la BBC. Dans une certaine mesure, c'est une version studio qui ressemble plus à ce qu'était vraiment le groupe que celle du Single : pas de choeurs féminins ni de solo propret ici. Excellente version.
Au contraire, "
Foxy Lady" est très proche de la version officielle qui ouvre le premier album de l'Experience. Tout simplement parce que "Are You Experienced" reflétait
vraiment la musique du groupe.
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Burning Of The Midnight Lamp" est extrait de la troisième émission proposée par la BBC, enregistrée le 6 octobre 1967 : c'était alors le dernier Single en date de l'Experience. Jouée en trio, la composition prend une toute autre couleur, plus brute, plus rock.